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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

prêté serment entre les mains du roi sans prendre d’engagement envers la loi fondamentale ; elle fit une vive sensation non-seulement en Hanovre, mais encore dans le reste de l’Allemagne. La presse, quoique censurée, la blâma unanimement, et le bruit se répandit que la Prusse et l’Autriche elles-mêmes désapprouvaient cette démarche. Après quatre mois d’attente, le coup d’état ainsi annoncé fut mis à exécution par les décrets du 30 octobre et du 1er novembre, qui prononcèrent la dissolution de l’assemblée générale des états et déclarèrent la charte de 1833 abolie. Les raisons par lesquelles le roi prétend prouver que cette constitution ne le lie en rien sont curieuses et méritent d’être rapportées. Selon lui, elle est nulle parce qu’elle devait être établie d’un commun accord entre le roi et les états, et que ce principe a été violé par les changemens que Guillaume IV a faits de sa pleine autorité au projet qui lui était présenté par les états, d’où il suit que la constitution antérieure de 1819 n’a pas été validement abolie. En outre, elle blesse les droits des agnats, ceux de la royauté, et n’a pas été reconnue par l’héritier présomptif de la couronne, qui a toujours refusé d’y souscrire. La suppression de la constitution de 1833 ayant pour conséquence naturelle la résurrection de celle de 1819, le roi annonce que des états-généraux seront convoqués selon les formes de cette dernière, et qu’il leur proposera, entre autres choses, la séparation des revenus domaniaux d’avec ceux qui sont perçus au moyen de l’impôt, le remplacement de la convocation annuelle des états par une convocation triennale pour une durée qui ne pourra excéder trois mois, et enfin une grande extension dans les attributions des assemblées provinciales. Le décret royal trouva au dedans et au dehors du Hanovre un grand nombre de contradicteurs. L’argumentation qui s’y trouvait contre la validité de la charte de 1833 fut jugée sophistique et peu digne de la majesté royale[1]. Dans les pays constitutionnels de l’Allemagne, on vit avec

  1. Que dire, en effet, du premier argument, qui peut se résumer ainsi : La loi fondamentale de 1833 n’est pas obligatoire, en premier lieu, parce que le roi Guillaume n’a pas assez tenu compte des droits des états ; en second lieu, parce qu’il a trop étendu au détriment de la couronne les droits de ces mêmes états ? Mais, en supposant que le roi n’eût pas le droit de faire des changemens au projet de constitution présenté par les états, il est évident que ceux-ci avaient accepté ces modifications, puisqu’ils avaient été convoqués cinq fois depuis ce temps, et n’avaient élevé aucune réclamation à cet égard. Au reste, personne n’a cru que cette objection fût présentée sérieusement et de bonne foi par le duc de Cumberland, car l’on n’a qu’une confiance très médiocre dans la moralité de l’ancien coryphée de l’ultra-torysme anglais. L’objection fondée sur le droit des agnats est sans valeur avec le