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mands[1] ?… Mais, il les faut, diras-tu, semer (ces mots) avec la main, non avec le sac ou la corbeille. Je confesse qu’en ma première Semaine ils sont fort épais, et que bien souvent on en lit sept ou huit à la file… » Après ces aveux candides, je n’ai guère rien à ajouter. Ainsi, de son temps, on doit en être maintenant convaincu, toutes les critiques à peu près lui furent faites. Du Perron et bien d’autres avaient dit de lui ce que nous dirions. Ceci montre qu’il faut être très circonspect avant d’accuser tous les contemporains de duperie à propos de quelque renommée usurpée ou surfaite. Seulement il arrive qu’il se rédige par écrit une sorte d’histoire littéraire fardée, qu’il se transmet des apparences de réputations officielles et factices. On croit de loin que tous les contemporains y étaient pris, et ce n’est pas. Je commence à le craindre, les vivans (je parle de ceux qui comptent) n’ont guère jamais été complètement dupes les uns des autres. Ceux même qui contribueront peut-être, forcés par les égards, par les convenances, à accréditer le plus une gloire écrite, faisaient, en causant, bien des fines critiques. C’est pour nous un léger travail de palimpsestes, de retrouver sous ce qu’ils ont dit ce qu’ils pensaient.

La renommée de Du Bartas, à la prendre en gros, ne cessa point pourtant de croître. Il y eut également émulation de commentateurs pour son second ouvrage. Simon Goulart continua. Je trouve de plus que l’Éden, c’est-à-dire le premier livre seulement du second jour, partit avec commentaires et annotations contenant plusieurs descriptions et déductions d’arbres, arbustes, plantes et herbes (Lyon, 1594) ; l’auteur, Claude Duret, Bourbonnois, n’est probablement pas autre que l’anonyme mentionné par Colletet. Il y eut aussi des traductions latines[2] ; enfin, tout le train prolongé d’une gloire de poète ou de rabbin.

La guerre de la Ligue éclata ; Du Bartas fut arraché aux lettres, à la paix qu’il aimait véritablement, et à ce manoir champêtre qu’il avait sincèrement chanté :

Puissé-je, ô Tout-Puissant ! inconnu des grands Rois,
Mes solitaires ans achever par les bois !

  1. Cette tendance de Du Bartas vers l’Allemagne par opposition à l’Italie est curieuse ; l’Allemagne le lui a payé en admiration et en long souvenir.
  2. En voici une : Domini Guillelmi Sallustii Bartasii Hebdomas secunda, a Samuele Benedicto (Samuel Benoît) latinitate donata (Lyon, 1609, et non pas 1619, comme on le lit fautivement au titre ; le privilége du roi est de 1609).