Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/568

Cette page a été validée par deux contributeurs.
558
REVUE DES DEUX MONDES.

arrive à l’autre terme de la comparaison, au grand Ouvrier qui, au jour du repos, s’admire dans le grand Tout, outre que c’est le rapetisser sans doute que d’en faire un paysagiste si flamand, la noblesse d’expression qui pouvait dissimuler fait défaut à chaque pas ; l’élévation du ton a de singulières chutes. Croirait-on bien que dans les vers suivans il s’agisse de l’Éternel ?

Il œillade tantôt les champs passementés
Du cours entortillé des fleuves argentés.
..............
Or’ son nez à longs traits odore une grand’ plaine
Où commence à flairer l’encens, la marjolaine.
..............
Son oreille or’ se paît de la mignarde noise
Que le peuple volant par les forêts dégoise…
..............
Et bref l’oreille, l’œil, le nez du Tout-Puissant,
En son œuvre n’oit rien, rien ne voit, rien ne sent,
Qui ne prêche son los. ........

L’oreille, le nez du Tout-Puissant n’ont paru bons en aucun temps, qu’on le sache bien. L’œil suffisait à tout rendre, mais l’œillade gâte tout. On lit dans le Perroniana ces paroles, d’ailleurs beaucoup trop sévères : « Du Bartas est un fort méchant poète, et a toutes les conditions qu’un très mauvais poète doit avoir en l’invention, la disposition et l’élocution. Pour l’invention, chacun sait qu’il ne l’a pas et qu’il n’a rien à lui, et qu’il ne fait que raconter une histoire : ce qui est contre la poésie qui doit envelopper les histoires de fables, et dire toutes choses que l’on n’attend et n’espère point. Pour la disposition, il ne l’a pas non plus, car il va son grand chemin et ne suit aucune règle établie par ceux des anciens qui en ont écrit. Pour l’élocution elle est très mauvaise, impropre en ses façons de parler, impertinente en ses métaphores qui, pour la plupart, ne se doivent prendre que des choses universelles, ou si communes qu’elles aient passé comme de l’espèce au genre ; mais lui, pour le soleil par exemple, au lieu de dire le Roi des lumières, il dira le Duc des Chandelles ; pour les vents, au lieu de dire les Courriers d’Éole, il dira ses Postillons, et se servira de la plus sale et vilaine métaphore que l’on se puisse imaginer, et descend toujours du genre à l’espèce, qui est, une chose fort vicieuse… »

Nous avons déjà de ce défaut assez de preuves dans le peu que j’ai cité. En rabattant ce qu’on voudra de la sévérité de Du Perron qui,