Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
REVUE DES DEUX MONDES.

faits et bien d’autres, que nous sommes forcé d’omettre, doivent faire reconnaître qu’il existe entre les deux grandes puissances allemandes un antagonisme fondamental qui doit se produire tôt ou tard par des actes, et qui suffirait à lui seul pour ébranler dans un temps donné les bases sur lesquelles repose aujourd’hui tout le système de la confédération germanique.

Si les garanties de durée manquent à ce système du côté des gouvernemens qui l’ont établi, elles lui manquent bien plus encore du côté des peuples auxquels il a été imposé. Nous avons vu ailleurs par suite de quels évènemens l’Allemagne s’est trouvée divisée en deux grandes masses dont l’une obéit à des souverains absolus, tandis que l’autre possède des gouvernemens représentatifs. Nous avons vu également comment la Prusse et l’Autriche ont employé l’intervention de la diète pour supprimer dans les états secondaires les libertés sans lesquelles le régime constitutionnel perd à peu près tous les caractères qui le distinguent de la monarchie pure ; ce qui a effacé en

    la direction officielle des affaires qui s’y trouve liée ; il faut seulement, quant aux points essentiels, s’assurer toujours secrètement d’un accord préalable entre les deux cabinets. D’après la politique invariable des moyens et petits états, leur jalousie sera toujours dirigée contre la puissance qui réclamera la suprématie, et le seul moyen de rétablir l’influence prussienne en Allemagne est peut-être de donner à cette jalousie un autre objet que la Prusse. Celle-ci peut prendre un rôle passif, et dans plusieurs circonstances avoir l’air de marcher à la suite de la politique autrichienne, en laissant toutefois subsister la persuasion que toute atteinte au protestantisme trouverait chez elle une opposition insurmontable, et qu’elle ne favoriserait jamais aucune violation des formes de la constitution fédérale. Plus elle aura cette apparence de passivité, plus la majorité des états de la confédération lui reviendra sûrement, si la cessation de l’alliance de l’Autriche et de la Prusse fait cesser aussi la pression que leur poids réuni exerce sur l’Allemagne… » Et ailleurs : « Il faudrait acquérir une influence générale sur la nation allemande, comme puissance proprement allemande et représentant véritablement l’Allemagne. La nature de l’unique forme de gouvernement qui puisse assurer la grandeur de la Prusse ne permet pas de favoriser les idées de démocratie représentative. Il faut donc les combattre, mais dans ce combat éviter avec soin l’apparence de l’autre extrémité, c’est-à-dire de l’inclination pour les principes hiérarchiques de la monarchie catholique, lesquels seront toujours antipathiques à l’Allemagne protestante… La Prusse doit se montrer comme une monarchie opposée aux formes populaires, mais réglant son gouvernement d’après les principes les plus libéraux, favorisant toujours et partout l’intelligence et les lumières, possédant l’administration la plus forte, la plus active, la plus éclairée ; enfin, ouvrant à tous les talens la carrière qui peut leur convenir davantage, etc. » Quelle que soit l’authenticité de ce document, il faut avouer qu’il reproduit fidèlement les principes qui depuis vingt-cinq ans président à la politique du cabinet de Berlin.