Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

grande influence morale. L’Autriche, reléguée à l’extrême limite du territoire occupé par la race germanique, n’a guère qu’un sixième de ses sujets qui appartienne à cette race ; maintenue dans l’isolement par les nécessités de sa politique, ses frontières sont une barrière que ne peuvent franchir les produits de la pensée et de l’industrie allemande. Son refus d’accéder à l’union des douanes fait tourner contre elle le rapprochement qui s’est opéré entre les autres états de la confédération, et la leur rend de plus en plus étrangère. Aussi ne manque-t-il pas de gens qui appellent de leurs vœux une séparation complète entre l’Allemagne et l’Autriche, et qui pensent que, dans l’intérêt de la nationalité germanique, il faudra un jour déférer à la Prusse le protectorat exclusif de la confédération[1]. Ajoutons que l’impopularité des mesures de la diète est toujours retombée presque entièrement sur l’Autriche, et que les partisans des idées constitutionnelles ont toujours vu en elle leur ennemie déclarée et irréconciliable, tandis que le cabinet de Berlin a toujours su donner à son despotisme je ne sais quelle couleur libérale et progressive dont ses nombreux prôneurs ont habilement tiré parti pour faire prendre le change à l’opinion publique[2]. Tous ces

  1. Un publiciste distingué, M. Pfizer, après avoir montré combien est dangereuse pour la confédération germanique l’adjonction de deux puissances qu’aucune nécessité réciproque ne lie, et qui ne peuvent être forcées à l’accomplissement des obligations fédérales, conclut que, dans l’intérêt de l’Allemagne, l’une des deux doit se séparer de la confédération, tandis que l’autre continuerait à en faire partie, mais à des conditions différentes de celles qui existent aujourd’hui. « La Prusse, ajoute-t-il, pourrait en devenir la tête, parce qu’elle a besoin de l’Allemagne et que l’Allemagne a besoin d’elle, ce qui n’est pas vrai au même degré pour l’Autriche, laquelle doit, ou mécontenter la plus grande partie de ses sujets, ou mettre en seconde ligne les intérêts allemands. La Prusse n’est pas assez puissante pour ne pas gagner beaucoup à une plus étroite alliance, et cela suppléerait à la perte de son indépendance, en tant que puissance européenne. Elle pourrait avec le protectorat suivre une politique tout allemande sans faire tort à ses sujets non allemands, qui d’ailleurs sont peu nombreux, etc. » (Sur le développement du droit public en Allemagne par la constitution fédérale, Stuttgart, 1835.)
  2. Dans un recueil de documens secrets publiés assez récemment à Londres, se trouve un mémoire remarquable d’un diplomate prussien relativement à la politique que doit suivre la Prusse vis-à-vis de l’Allemagne. Cet écrit, qui paraît remonter à 1822, contient, entre autres choses, ce qui suit : « Il faut tout préparer autant que possible pour que, si une dissidence s’établit entre l’Autriche et la Prusse, la partie prépondérante des états de la confédération se déclare pour celle-ci, et que les formes fédérales existantes ne puissent pas être employées à son détriment. Pour atteindre ce but, il faut laisser en toute circonstance à l’Autriche l’exercice de l’initiative en son propre nom recherché systématiquement par elle, aussi, bien que