chacun a son centre particulier, sa constitution et son administration propres, ses intérêts bien distincts de ceux de l’ensemble ; ces états, pour la plupart, ne se sont élevés et n’ont grandi qu’aux dépens de la patrie commune, et ne peuvent se maintenir dans une union solide et durable qu’à condition de répudier toutes les traditions du passé et d’abjurer pour l’avenir toute vue ambitieuse et tout espoir d’agrandissemens nouveaux. Personne n’ignore que c’est l’unité qui a manqué au vieil empire germanique pour tenir en Europe le haut rang qu’il avait été d’abord appelé à y occuper, et que ce sont les divisions intestines qui ont amené sa décadence et enfin sa dissolution. Il s’agit maintenant de savoir si la constitution fédérative établie par le congrès de Vienne présente plus de garanties d’union et de force que n’en présentait l’ancienne constitution, et si elle a été un progrès notable vers l’unité de la nation allemande. C’est là une question que le temps seul pourra résoudre, mais qu’on peut dès à présent poser et examiner.
Nous avons vu à l’aide de quelles circonstances s’est développé le pouvoir de la diète germanique et comment il a grandi jusqu’à devenir une sorte de dictature. La diète, n’étant qu’un congrès diplomatique permanent, a puisé toute sa force dans l’union des gouvernemens, amenée par la peur d’un ennemi commun, l’esprit révolutionnaire. Les souverains allemands, autrefois si jaloux de leur indépendance, ont consenti à en sacrifier une partie dans l’intérêt de leur sécurité, et ils se sont résignés à la tutèle de l’Autriche et de la Prusse, auxquelles leur position de puissances européennes assure dans le sénat germanique une prépondérance bien autrement décisive que celle qui résulterait pour elles des dispositions du pacte fédéral. L’accord qui règne aujourd’hui entre les états de la confédération se maintiendra probablement aussi long-temps que subsisteront les circonstances qui lui ont donné naissance ; mais si la révolution semblait réduite à l’impuissance, si la France, qui en est regardée comme le bras droit, cessait de paraître menaçante pour l’Allemagne, on ne voit plus ce qui pourrait empêcher les divisions, les rivalités, les désirs d’indépendance et d’agrandissement, toutes ces choses qui font la faiblesse d’un état fédératif dont les membres sont des princes souverains. Les inimitiés séculaires qui ont causé la chute du vieil empire se sont montrées encore bien vivaces à l’époque du congrès de Vienne, et, quoiqu’elles se soient effacées depuis devant un danger prochain, il est permis de croire que le germe n’en est pas détruit, et qu’elles renaîtraient comme d’elles-mêmes avec la sécurité.