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REVUE. — CHRONIQUE.

à-vis du gouvernement ottoman, quand il s’agira de représenter l’unité d’une église, un centre commun de réunion, mais où, en même temps, les protestans allemands maintiennent l’indépendance de leur église, par rapport à leur confession et à leur liturgie particulière. »

Voilà ce que dit le roi de Prusse, mais voici ce qu’il ne dit pas : c’est que, jusqu’à nouvel ordre, l’évêque uni sera soumis à l’archevêque de Cantorbéry comme à son métropolitain ; c’est que sa juridiction s’exercera, autant que possible, conformément aux lois, canons et coutumes de l’église d’Angleterre, et que, s’il a le pouvoir de créer des règlemens particuliers pour les besoins particuliers de son diocèse, il ne pourra le faire qu’avec le consentement de son métropolitain.

Le clergé allemand sera naturellement chargé de l’administration des congrégations allemandes, mais ce clergé devra être ordonné conformément au rituel de l’église anglaise. Ce clergé officiera en langue allemande, selon certaines formes de sa liturgie nationale, toutefois cette liturgie devra être d’abord sanctionnée par l’évêque, avec le consentement de son métropolitain, et le sacrement ou du moins le rite de la confirmation devra être administré par l’évêque selon les formes anglaises. Il est bien vrai que les ministres allemands devront, avant l’ordination, exhiber un certificat d’adhésion à la confession d’Augsbourg ; mais ce que le roi de Prusse oublie de dire, c’est qu’ils devront aussi souscrire les trente-neuf articles, en d’autres termes, prêter serment à la papauté anglaise[1].

« Sa majesté, continue le roi de Prusse, paie la moitié des frais d’entretien sur sa cassette particulière, et partage en revanche le droit de la nomination de l’évêque avec la couronne d’Angleterre. » Or, il est bien vrai que le droit de nomination appartiendra alternativement aux deux couronnes ; mais ce que le roi de Prusse ne dit pas, c’est que l’archevêque de Cantorbéry aura un droit de veto absolu sur les nominations prussiennes.

Nous en avons dit assez pour montrer quelle part léonine se fait l’église d’Angleterre, et comment le protestantisme altéré de l’Allemagne s’annihile et s’absorbe dans le sein de l’établissement anglican. Si du moins l’église allemande ne faisait que rendre hommage à une autorité spirituelle supérieure, il faudrait respecter l’esprit d’unité qui l’y aurait poussée. Mais ce n’est pas seulement devant une autre église qu’elle fait acte de vasselage, c’est devant un souverain temporel, et un souverain étranger. La primauté de l’archevêque de Cantorbéry n’est qu’un mythe ; le véritable primat, c’est la reine Victoire.

Nous nous souvenons ici qu’il y a deux ans, comme on discutait dans le parlement anglais le bill d’union des Canadas, il s’éleva dans la chambre des lords une controverse entre les évêques et le gouvernement. L’église établie d’Angleterre contestait à l’église presbytérienne d’Écosse, établie aussi, sa

  1. Bishopric of the united church of England and Ireland et Jerusalem, publié à Londres par ordre (by authority).