Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/491

Cette page a été validée par deux contributeurs.
487
REVUE. — CHRONIQUE.

Chasles a pour sa part toute la littérature septentrionale. Il a choisi l’Angleterre, comme on devait s’y attendre, pour sujet de son cours de cette année, et du premier coup il nous a parlé de Shakspeare. M. Chasles a trouvé l’heureux secret d’allier une érudition solide à des pensées hardies, à un style vif, à une phrase élégante, et le public, accoutumé à payer fort cher le peu de science que lui vendent nos érudits, a écouté le nouveau professeur avec un plaisir mêlé de surprise. M. Chasles n’a cependant pas été lui-même à sa première leçon. Il y avait un apprentissage à faire ; il fallait apprendre son public, et c’est une chose que nul ne devine. On l’apprend plus ou moins vite ; M. Chasles en quelques leçons en aura fini avec ces difficultés matérielles. Déjà à la seconde le progrès se faisait sentir avec évidence, et à la troisième le professeur avait retrouvé dans la chaire toute la souplesse et la netteté de son esprit. Tout assure une grande affluence au cours de M. Chasles.


M. Edgar Quinet vient de publier le livre dont son enseignement de Lyon avait été comme une première ébauche[1]. Ce livre, intitulé Du Génie des religions, est consacré à l’examen d’un grave problème, dont M. Quinet pose nettement les termes dans sa préface. Déduire la société civile de l’institution religieuse, telle est la question qu’il a voulu résoudre. Il passe en revue les cultes qui ont précédé le christianisme ; il interroge tour à tour les religions de l’Inde, de la Chine, de l’Asie occidentale, de la Judée, de la Grèce, pour les comparer aux institutions politiques, au développement intellectuel et social, qu’elles ont, selon lui, fécondés. Le livre de M. Quinet témoigne d’un sentiment profond de la poésie et des religions antiques. L’auteur avoue dans sa préface qu’il lui resterait à tracer le tableau des religions modernes pour compléter son œuvre, et il ajoute qu’il a senti le besoin de prendre haleine avant d’aborder la seconde partie de son travail. Nous espérons qu’après avoir si bien apprécié les cultes du passé, M. Quinet ne reculera pas devant l’impartial examen des religions modernes. Par ses études et les tendances de son esprit, il n’est pas moins bien préparé pour cette nouvelle tâche que pour la première.

  1. Un vol. in-8o, chez l’éditeur Charpentier, rue de Seine.