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REVUE. — CHRONIQUE.

paraît une nécessité de position plutôt qu’une injonction individuelle. En général, cependant, il y a chez nous beaucoup de chefs et peu de soldats : aussi assistons-nous plus encore à de nombreux combats singuliers qu’à de grandes batailles.

Quoi qu’il en soit, nous voici au mois de février, et les chambres n’ont pas encore abordé une seule des questions dont le pays attend la solution avec une juste impatience. De nouveaux retards ne sont que trop à craindre. La chambre des députés va se lancer de nouveau dans l’arène des débats politiques. La réforme électorale, les lois de septembre, la question des incompatibilités, préoccupent les hommes politiques plus encore que les questions d’administration et d’affaires. La raison est facile à deviner. Les premières peuvent seules devenir des questions de cabinet et renverser un ministère.

Les débats de l’adresse ont assez montré que la lutte sera vive, ardente, acharnée, comme toutes les luttes qui promettent une grande récompense aux vainqueurs, qui menacent les vaincus d’un grand revers. Le pouvoir pendant les élections, c’est là le prix de la victoire, et, il faut en convenir, ce n’est pas un prix à dédaigner.

Nous ne voulons pas faire ici de pronostics. Nous avons entendu les hommes qui paraissent le mieux connaître la chambre, et qui ne sont pas des hommes de parti, ardens, aveugles, faire sur les dispositions de l’assemblée les conjectures les plus opposées. Les uns croyaient que la chambre n’hésiterait pas à adopter, en partie du moins, l’adjonction des capacités ; les autres pensent que la proposition sera rejetée par une majorité qu’ils estiment de 30 à 40 voix. La même divergence d’opinions, de prévisions, existe à l’égard de la question des incompatibilités. Nous n’en sommes pas étonnés. À cette époque de la législature élective, le problème se complique d’un si grand nombre d’inconnues, que les calculateurs les plus habiles peuvent se tromper. La session aura de l’imprévu.

Ce qu’il y aurait de déplorable pour tous, ce qui indisposerait les électeurs de toutes les opinions, ce serait de voir la session s’écouler sans que le pays eût obtenu les grandes lois d’intérêt matériel qu’on lui fait espérer depuis long-temps, en particulier la loi sur les chemins de fer. Il faut pourtant donner quelque satisfaction non-seulement aux intérêts réels, mais aussi à l’imagination, à l’élan du pays, à cet amour des grandes entreprises, qui vit toujours en France, et qui n’a jamais été impunément méconnu. Le pays veut la paix, mais une paix qui ne manque ni d’activité, ni de grandeur. Une paix chétive, humble, impuissante, il serait bientôt las de l’aimer ; il la repousserait du pied. Ces grandes communications qui paraissent enfanter des miracles, changer la face d’un pays et l’appeler à de nouvelles destinées, ont frappé aujourd’hui l’esprit des populations, et la France se croirait en quelque sorte déshonorée, si, tandis que nos voisins ont mis puissamment la main à l’œuvre, on ne pouvait signaler chez nous que quelques tronçons de chemins de fer, sans importance, sans avenir pour le pays, tant qu’ils ne seront pas