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REVUE. — CHRONIQUE.

notre politique extérieure ; l’opposition n’a pu lui arracher un mot de blâme sur l’intérieur, contre la politique de résistance. C’est là, en deux mots, le sens et l’esprit de l’adresse ; sur la politique extérieure, la chambre se résigne ; sur la politique intérieure, elle s’associe aux efforts du gouvernement ; elle veut, comme lui, contenir toutes les factions et défendre envers et contre tous la monarchie de juillet. Sur les questions de l’intérieur, la chambre est disposée à donner au gouvernement des marques de confiance ; sur les questions extérieures, sa confiance n’est pas absolue, sa vigilance est plus éveillée, son contrôle plus sévère.

On a annoncé, dans le discours de la couronne, la clôture, apparente du moins, de la question d’Orient et le traité du 13 juillet. La chambre n’a pas prononcé un blâme, encore moins un éloge ; la commission, quoique ministérielle, n’a pas même osé le proposer. La chambre s’est résignée aux faits accomplis avec une réserve, j’ai presque dit, avec une tristesse qui ne manque pas de dignité. Elle s’est dit qu’il y a eu là une sorte de fatalité, un enchaînement de faits, de circonstances, de fautes, de bonnes intentions, dont il serait difficile de faire pour chacun aujourd’hui la juste part. Lorsque la politique commande à un grand pays de se résigner à un fait accompli, la résignation doit en effet être silencieuse ; se résigner en se plaignant serait une faiblesse, se résigner avec une satisfaction apparente serait une indignité.

Le sentiment que la chambre n’a pas voulu manifester à l’endroit de la question d’Orient a paru tout entier au sujet du droit de visite. Sans doute une convention de cette nature aurait excité en tout temps de vives réclamations ; il y a là quelque chose d’exorbitant, un droit conventionnel à la vérité, mais insolite, dont l’extension n’aurait jamais été acceptée sans répugnance. Il n’est pas moins certain que, si l’alliance anglo-française n’avait pas été brisée par le traité du 15 juillet, le pays aurait peut-être fermé les yeux sur cette nouvelle condescendance aux sollicitations du gouvernement britannique : il est certain du moins que l’opposition n’aurait pas été unanime dans la chambre, unanime au point que les orateurs de la gauche n’ont rien dit de plus décisif et de plus net que ce qui a été dit par l’auteur de l’amendement adopté, par M. Jacques Lefebvre, lorsqu’il s’est écrié que son but était d’empêcher la ratification du traité.

Reconnaissons-le (il ne serait ni digne ni prudent de le méconnaître), c’est le sentiment national, le sentiment national froissé et mécontent, qui a inspiré la chambre, qui l’a inspirée dans son silence comme dans ses manifestations. Résignée sur la question d’Orient comme sur un fait accompli, elle a voulu, sur la question du droit de visite, avertir le gouvernement et lui prêter appui pour écarter une innovation qu’elle ne jugeait pas compatible, dans ce moment surtout, avec la dignité de notre pavillon. Pour la majorité, le vote de la chambre, quelque embarrassant qu’il puisse être pour le ministère, n’avait pas d’autre signification. La chambre ne se proposait pas d’ébranler le cabinet ; elle a voulu seulement lui indiquer une voie plus élevée