d’obscurité qui entache le nom de Mercadante, en dépit des illustres compositions par lesquelles il se recommande ; eh bien ! c’est avec de semblables maladresses qu’on manque le succès, la popularité, choses fort méprisables sans doute pour le poète, mais dont le musicien doit nécessairement tenir compte, car il parle une langue mystérieuse pour le plus grand nombre, une langue indéchiffrable en dehors de l’exécution, et n’a pas, comme André Chénier ou ses frères par la Muse, la chance de ces amitiés ignorées, de ces fréquentations solitaires qui dédommagent. Étrange fortune de ce poème de la Vestale qui, après avoir concouru jadis à l’installation du mode italien sur la scène française, à cette révolution du rhythme dont plus tard Rossini devait être le héros, se trouve servir aujourd’hui à introduire le système lyrique français en Italie. Il est des opéras prédestinés. Comme on le pense, en changeant de patrie, l’œuvre de M. de Jouy a dû subir certaines modifications nécessaires. Nous ne suivrons pas le traducteur dans toutes ses variantes, et nous dirons seulement, après avoir loué d’excellentes qualités de prosodie et de style, qu’au dénouement de la pièce italienne, Julia ou plutôt Emilia, car les noms sont changés, subit sa peine sans rémission. Une fois la victime ensevelie, la pierre sépulcrale ne se lève plus sur elle. Nul dieu de l’Olympe n’intervient, nulle bonne déesse n’envoie la foudre rallumer le voile favorable, et lorsque Licinius, qui s’appelle ici Decio, arrive sur le champ du supplice, tout est consommé ; la terre a pour jamais englouti sa maîtresse, et il ne reste plus au malheureux amant qu’à trancher ses jours à la manière de l’Edgardo de la Lucia. Il est vrai que, pour que la réminiscence fût plus complète, quelques instans avant de mourir, Emilia était devenue folle, comme la fiancée de Lammermoor. Voilà que la folie alimente toutes les grandes scènes de soprano du répertoire italien. Et ce Léandre infortuné, qui, après avoir entonné vaillamment le motif de sa cabalette, se frappe sur la ritournelle, pour chanter ensuite la reprise à mi-voix et moriendo, n’est-ce point là aussi une invention trop curieuse pour qu’on néglige de la reproduire en toute occurrence ? Il y a cependant des costumes qu’on devrait éviter avec soin, le costume antique, par exemple. Ainsi ce triomphateur romain, qui se transperce de son glaive, puis reprend tranquillement sa phrase où il l’a laissée, est un personnage plus bouffon que tragique, et n’a pas même pour lui cette espèce de mélancolie que peut revendiquer au besoin le jeune laird écossais murmurant Bell’alma inamorata, à son dernier soupir. Décidément, le glaive n’est pas fait pour servir aux suicides des héros d’opéras, le poignard des romantiques leur sied mieux. Vous figurez-vous Caton d’Utique essayant une ariette sur l’immortalité de l’ame, après s’être déchiré les entrailles. C’était pourtant la position de ce pauvre M. de Candia, étendu lamentablement devant le trou du souffleur, à la première représentation de la Vestale. Heureusement, depuis, on a supprimé cette scène. Mais revenons à la partition de Mercadante.
Le premier acte s’ouvre par une introduction pleine de mélodie et de grace ; le titre de ce morceau porte : Prière matinale. Il est impossible, en effet,