Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/460

Cette page a été validée par deux contributeurs.
456
REVUE DES DEUX MONDES.

Hook, dont le pari était si légitimement gagné, apprit à son ami de quelle manière il s’y était pris.

— Mon cher, lui dit-il, j’ai donné d’abord au domestique ma canne et mon chapeau, puis je me suis fait annoncer, et je suis entré au salon. Là, regardant autour de moi avec une grande surprise : — Quoi ! m’écriai-je, ne suis-je pas chez lord un tel ? — Non, monsieur, me répondit le maître de la maison. — Me suis-je donc trompé ? Est-ce bien ici le no 8 ? — Oui, monsieur. — Grosvenor-Square ? — Oui, monsieur. — C’est étrange. J’ai oublié apparemment, ou confondu, le nom des square. La personne chez laquelle je devais dîner m’attend sans doute ; il est tard, et la voiture qui m’a conduit ici vient de partir. — Ici je me confondis en excuses, auxquelles l’Amphitryon répondit en me priant de m’asseoir. Un ou deux signes télégraphiques adressés à sa femme, un commencement de conversation sur la pluie et le beau temps, beaucoup de réserve de ma part, un modeste refus, suivi d’une invitation plus pressante, qu’il eût été impoli de ne pas accepter ; enfin, mon nom décliné, nom qui se trouva ne pas déplaire à un tory, achevèrent ma victoire, que je consolidai de mon mieux. J’ai gagné. »

Bientôt, sans doute, nous verrons paraître trois ou quatre volumes de Relies, de Posthumens papers, ou de Table-Talk relatifs à Théodore Hook. L’exploitation et le bien commun marquent toute la vie littéraire de la Grande-Bretagne en 1841. À l’insignifiance de ses créations romanesques, si l’on oppose la prolixe nullité de ses travaux biographiques et la stérile controverse de ses ministres, on s’effrayera de cette continuité de décadence. Carlyle s’occupe, dit-on, d’une Histoire de Napoléon Bonaparte. C’est la mode actuelle chez nos voisins de vanter l’empereur Napoléon. MM. George Moor Bassey et Thomas Horne viennent de publier deux histoires superficielles et diffuses de ce « dernier des grands hommes. » Leurs livres sont peu de chose. Napoléon paraîtra plus grand, lorsque l’on aura percé la lourde enveloppe des admirations emphatiques, et fait paraître à la lumière la réalité de sa valeur propre. Dépouillez-moi le héros de ses draperies de mélodrame, chassez les faux héros, et que l’on voie enfin ce qu’il y avait au fond de solide et de fort. Certes ce n’étaient point ses bulletins menteurs, son concordat vide, sa magnificence théâtrale, son alliance autrichienne, sa parodie féodale, sa dynastie ébauchée, ni l’enivrement de sa propre fortune, qui constituaient le grand homme. C’étaient la divination prompte et décisive