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j’exagère ? Est-ce que tous les journaux ne sont pas unanimes ? Tous nous persécutent : — the Post, dont le petit-lait quotidien se mêle d’acide prussique quand il parle du catholicisme irlandais ; — le Morning Chronicle, le plus grotesque des journaux, dont l’absurdité puérile s’élève jusqu’à la colère quand il trempe sa plume dans le fanatisme protestant ! — le Times (ici le public hurle), cette honte et cet opprobre de l’Angleterre lettrée ! Oh ! si je pouvais découvrir le personnage infâme qui, dans cette feuille, traita les prêtres catholiques de brigands en surplis ! (Ici le public hurle plus fort.) Croiriez-vous que, ce matin même, un des écrivains du Times, Eneas Mac-Donnell, a eu l’impudence de se présenter ici pour être introduit ? je suis bien aise qu’il n’y ait pas mis le pied ! Il en serait si vite sorti ! » (On rit, on applaudit et on hurle.) Le triomphe remporté par ces personnalités brutales, et par cette éloquence de cabaret, débitée au centre de Londres, prouve l’indifférence publique, l’injustice des plaintes d’O’Connell et le ridicule de ses terreurs prétendues.

Tel est le symptôme principal qui se manifeste : indifférence dans les masses, essai de défense et de résistance dans les groupes intéressés, et en définitive accroissement du rationalisme. La théologie du concile de Nicée revit dans Oxford, et les célèbres trente-neuf articles de l’église anglicane, vieux fondemens et soutiens de l’édifice protestant anglais, s’ébranlent sous la main des enfans mêmes de cette église. « Comment finira, demandait récemment un ministre à la fin d’un sermon prêché à Saint-Paul, comment finira l’action de tous ces élémens politiques, physiques, moraux ? Par une révolution ou par une réforme ? — Dieu le sait ! » Ni révolution, ni réforme. Tout s’allanguit aujourd’hui, rien ne périt violemment. Plus de déchiremens convulsifs, mais un affaiblissement irrésistible, général et continu. La religion ne s’abîme point avec fracas ; elle s’en va. On réimprime à Londres, avec l’approbation de plusieurs ministres de l’église établie, une Bibliothèque complète de théologie anglo-catholique. Les chefs du nouveau mouvement semi-catholique-anglican, les Tractarians, ainsi nommés parce qu’ils publient ou font publier en faveur de leurs opinions des pamphlets périodiques (Tracts for the Times), les docteurs Pusey, Keble, etc., encouragent ces réimpressions significatives qui font rétrograder les doctrines actuelles du protestantisme jusqu’aux doctrines romaines de Laud, et offrent à l’admiration des fidèles ces théories ou ces accommodemens que l’on a condamnés pendant deux siècles.

Le catholicisme romain gagne-t-il beaucoup à cette situation ? Nous