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LITTÉRATURE ANGLAISE.

Strathbogie, ne montrent pas moins de résolution, et s’encouragent dans leur résistance par le bruit même et le scandale qu’elle fait. Cette tempête dans un verre d’eau mériterait peu d’attention, si elle ne correspondait à mille autres symptômes qui annoncent un changement inévitable. Le levier terrible d’O’Connell ne se repose pas, et ce redoutable mendiant, devenu dictateur, ébranle par des secousses habilement calculées tout l’édifice religieux de la vieille Angleterre. Son point d’appui est admirable ; il a sous la main, pour armée, cinq millions de catholiques affamés, asservis, furieux, cinq cents chapelles catholiques pour citadelles, et sept cents prêtres pour lieutenans ; les cris de ses ennemis ne l’effraient pas. En vain on l’injurie dans toutes les langues, et l’on parodie Horace pour l’outrager :

O mendax ! atavis edite Hibernicis !
Et nostrum opprobrium, turpeque dedecus !
Sunt quos eximiâ fraude pecuniam
Collegisse juvat !…
Est qui nec sceleris præmia vilia

Nec nummos humili demere de viro
Spernit, si fruitur solus inertiâ
[1]

L’invective et la passion remplissent son Discours prononcé à la réunion catholique des francmaçons, ses Lettres aux méthodistes wesleyens, son Appel au peuple anglais. Wellington lui-même n’y est pas épargné, ce « caporal étiolé, » (slunted corporal), comme O’Connell ose le nommer à la face de l’Angleterre. Le calemhourg et l’hypotypose y abondent : « Philpot, s’écrie-t-il-en parlant de l’archevêque de Cantorbery, fill-the pot ! Remplis ton pot de bière, pendant que les méthodistes avancent pour te détrôner ! » C’est au centre de la métropole anglaise, à côté de Drury-Lane, au milieu des populations vicieuses et vagabondes qui remplissent cette partie de la ville, que l’agitateur, réunissant son armée irlandaise, lui adressait ces paroles : « On nous abhorre, on nous montre au doigt, et le haro soulevé contre nous part de tous les points du royaume ! Croyez-vous que

  1. « Menteur ! fils des vieux Hibernois ! Notre honte, notre vil opprobre ! — Je sais des gens qui aiment à recueillir, par une fraude habile, des trésors nombreux et à extorquer le bien du pauvre… je sais des gens qui ne dédaignent pas de toucher le salaire du vice, qui arrachent à l’humble le peu qu’il possède, et jouissent de leur paresse. »