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et néant, ardeur aveugle et léthargie, que devenir ? L’Angleterre n’a pas encore atteint cette triste période, cette sénilité tourmentée qui rappelle le vers de Churchill :

« In his withered bones groan impotent desires. »

On entendait gémir dans ses os desséchés
Le désir impuissant…

Le champion d’Erin, O’Connell, les démagogues chartistes, les tories furieux, les auteurs de ces journaux-libelles qui recueillent et ramassent tous les bruits honteux de la ville et de la cour, ont donné récemment plus d’un exemple de violence et de calomnie. Cependant, à côté de ces misères, on voit de véritables foyers politiques, des partis réels et forts, qui ont leurs expressions sincères et leurs organes généreux.

Je dis qu’ils existent encore ; il faut convenir aussi que certains symptômes de décadence intellectuelle semblent annoncer l’appauvrissement de la force sociale. Ces herbes jaunes et pâles, maigres produits d’un maigre sol, qui foisonnent dans les champs abandonnés, ressemblent à une bonne partie des fruits de la presse anglaise actuelle ; annuaires par bataillons, livres pour l’enfance, encyclopédies pour la jeunesse, compilations, commentaires, et la pire espèce de ces folles-avoines, écrits moraux sans profondeur et sans vérité. La moisson que possèdent en ce genre la France, la Chine et l’Allemagne, approche à peine des stériles richesses de la Grande-Bretagne. Elle invente des livres incroyables : l’Almanach du Calembourg, les Droits des Femmes, le Panthéon des Ménagères. Elle a créé toute une littérature de l’amour-propre, de la niaiserie et de la curiosité ; un certain M. Winslow est le fondateur de cette belle école. Ce M. Winslow fait paraître successivement les Médecins, — les Membres du Parlement, — les Pairs du Royaume, — les Ecclésiastiques de Londres. Dans chaque ouvrage, il insère quinze cents noms propres vivans ; l’ouvrage est tiré à mille exemplaires ; sur quinze cents personnes, mille sots, charmés de trouver leur nom, achètent le livre : calcul parfaitement facile et clair, que je livre à nos éditeurs, et qui leur profitera sans doute. M. Winslow loue tout le monde ; il révèle à chacun de ses héros des vertus qu’eux-mêmes n’avaient pas soupçonnées. Ses anecdotes sont hasardées, mais nombreuses, et sa facile tâche, qui consiste à recueillir au hasard les bruits du monde, lui rapporte un assez honnête revenu. Un journal de Lon-