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LITTÉRATURE ANGLAISE.

d’un cabinet, mais le lien social lui-même, trouvent en Angleterre leurs fanatiques idolâtres : idolâtrie souvent sincère, fanatisme que les intrigans peuvent exploiter, mais qui repose sur la réalité de la croyance.

Tant que ces élémens subsisteront, tant qu’il y aura chez elle antagonisme de forces et non antagonisme de faiblesses, l’Angleterre n’a rien à craindre. Qu’une vigoureuse prérogative, appuyée d’une aristocratie puissante, soit attaquée par une démocratie éclairée et robuste, à laquelle les capacités prêtent leur appui, voilà un état sain et actif dont les crises même attestent l’énergie, et qui augmentera cette énergie par ses combats, ses conquêtes par cette énergie. Mais figurez-vous une situation contraire, imaginez une lutte d’impuissances, une démocratie faible, déployant sa violence et non sa vie régulière, et trouvant partout les obstacles de l’ancienne organisation despotique, un trône faible par les institutions même et par la volonté des esprits, une aristocratie nulle ; tous ces élémens débiles et enflammés se heurtant, essayant en vain de prendre un peu de pouvoir et laissant place libre à tout ce qui n’est ni force sociale ni gage d’avenir, à la cupidité du spéculateur, à l’insignifiante activité des plumes administratives, à la rapace concurrence des uns, aux mesquines ambitions des autres. Supposez encore que dans un tel pays aucun parti véritable ne subsiste, que tout parti soit prêt à se fondre dans le parti adverse, que toute négation soit voisine de l’affirmation, tout « non » limitrophe du « oui », et le scepticisme tellement universel, qu’à peine, entre les intelligences les plus distinguées, une ou deux ait foi à quelque principe ; jetez ces esprits incertains, dont quelques-uns prétendent croire, ou imaginent croire, et dont la plupart doutent s’ils doutent, jetez-les dans l’interminable discussion qui se nomme gouvernement constitutionnel, et enflammez ce feu de paille, cet incendie de fougères inutiles par le souffle de vingt journaux qui représentent le simulacre de vingt convictions riant de leur mensonge, — vous aurez, en définitive, une situation de simulacre universel, de faux reconnu, de mensonge froid, pauvre et sans fin ; — situation qui ne peut donner que la stérilité et le néant pour fruit, qui mérite peu de colère et infiniment de pitié.

Les peuples qui aiment l’esprit, et que leur esprit trompe souvent, ne s’aperçoivent pas assez que les théories ne suffisent pas. Il faut des forces vitales. Les excès ne sont point funestes, quand la vigueur de la constitution permet et dépasse l’excès. Mais si les violences excèdent la force, si l’étourderie dépasse la puissance, s’il y a désir