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LITTÉRATURE ANGLAISE.

La partie la plus curieuse des Lettres de Ritson, est celle qui a trait à la révolution française et aux étranges velléités républicaines dont ce brave savant fit quelques jours son amusement sérieux. Né en 1782, mort en 1803, il eut occasion de voir la France entre les années 1791 et 1793. Marat ne l’effraya point, Robespierre le charma ; toutes les théories du père Duchesne et de Babœuf le séduisirent. Cet esprit sans chaleur et sans fantaisie, cet érudit qui se plaisait à dépouiller le passé de toutes les guirlandes que l’imagination avait tressées, cette intelligence sèche et stérile se laissèrent prendre aux utopies de Jean-Jacques et aux rêves de Diderot, tant la fausseté du jugement est plus dangereuse que la véhémence de l’enthousiasme. Ritson aspirait à la réforme universelle, et ne doutait pas qu’avec un peu de bonne volonté, quelques bourreaux de plus, quelques milliers de têtes de moins et d’excellentes constitutions écrites, on ne parvînt à faire marcher l’humanité dans une voie droite et géométrique. Dupe de la logique abstraite et ne voulant pas se soumettre à l’usage, ce réformateur, qui se sentait trop faible pour changer l’état, se contenta d’innover dans l’orthographe, et ne réussit pas. Il substitua le petit i au grand I, dans le pronom personnel (je, I, ego), redoubla l’e des participes passés (settleed — pour settled, bakeed pour baked), et écrasa des plus virulentes invectives les bonnes gens qui se contentaient d’un grand I et d’un seul e. Malgré tant de ridicules et une si bizarre idiosyncrasie, il mérite une place entre les bienfaiteurs littéraires de son pays. Ses collections de Récits anciens en vers[1], de Chants populaires[2] et de fragmens relatifs à Robin Hood[3], sont vraiment précieuses pour l’histoire de la poésie comme pour l’histoire des faits.

On publiera bientôt à Londres (du moins le bruit s’en est répandu) des mémoires plus modernes et plus intéressans, l’autobiographie de l’un des enfans perdus du torysme, Charles Molloy Westmacott, l’un de ces rois d’aventure, mais rois puissans, qui s’emparent d’une des forces de la presse, comme au moyen-âge on s’emparait d’une forteresse, et qui, suzerains au même titre, n’ont pas aujourd’hui moins d’influence que les vieux héros de Walter Scott. Si les mémoires de Westmacott étaient sincères, ce serait une étrange curiosité. Per-

    vestiges épars et si doux, fleurs oubliées, dont le sourire brillait encore parmi leurs sœurs mortes et décolorées. »

  1. Ancient english metrical romances.
  2. Pieces of popular poetry.
  3. Ballads, etc., relating to Robin-Hood.