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ques ii, celui qui nous a dit la forme de ses perruques nouvelles, le charme d’un poudding bien préparé et la scène domestique survenue à propos d’une collerette donnée à la femme de chambre de sa femme. Salut à ce bonhomme qui a joint, sans le vouloir, aux mémoires secrets de son ménage les plus curieuses relations sur lady Cleveland, Nelly Gwynn, et les secrètes particularités d’un temps fort bizarre. En voyant annoncer deux nouveaux volumes de la correspondance et des mémoires de Samuel Pepys, il n’y a pas d’observateur sincère de l’espèce humaine qui ne se soit réjoui dans son âme[1]. Ses contemporains le nommaient Pepps, c’est-à-dire l’écouteur aux portes, et jamais nom n’a mieux convenu à un personnage historique.

Malheureusement le bonhomme, tel que nous le retrouvons dans ces deux volumes, a un peu vieilli ; il a perdu beaucoup de petits vices, d’honorables remords, et une grande partie de l’intérêt qui s’attachait à sa personne. Il n’est plus si ridicule, mais il n’est plus si amusant ; il ne regarde plus les beautés pimpantes de la cour de Charles II avec cette convoitise mêlée de contriction qui le rendait comique. Il ne va plus au théâtre, en sortant du prône, détruire, sous le feu des regards de la jolie Nell, les bonnes impressions que lui a laissées le prédicateur. Sa perruque même a conquis de la dignité. Ce n’est plus une perruque de mauvais sujet et d’homme de cour, mais une perruque prude et honnête, comme il convient à un vieil administrateur de la porter. Dans les grands esprits, la maturité et la vieillesse sont le temps de la grande moisson, l’époque des méditations les plus puissantes ; c’est le dernier mot de l’expérience. Les hommes de peu de valeur reviennent à l’enfance par la vieillesse, et Pepys appartient à cette classe.

L’histoire cependant a quelque chose à glaner dans ces volumes peu significatifs. Le commencement du règne de Guillaume III et la fin du règne de Jacques II sont éclairés d’une manière assez vive par les fragmens de correspondance qu’ils contiennent, et surtout par le journal du voyage officiel de Pepys à Tanger. Peu à peu, dans les nouveaux volumes, on voit s’affaiblir cette activité pour des riens, cette vivacité infatigable qui avait distingué Pepys dans son beau

  1. The Life, Journal, and Correspondence of Samuel Pepys, esq., secretary to the admiralty in the reign of Charles II and James II ; including a narrative of his voyage to Tangier, deciphered front the short-hand Mss. in the Bodleian library, by the rev. John Smith, A. M. Decipherer of Pepys’ Memoirs : now first published from the originals ; 2 vol.