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a, comme certains auteurs dramatiques français, jeté dans son œuvre un critique de profession qu’il a couvert de ridicule, de haine et de mépris, sous le nom de sir John Paragraphe. Ce personnage résume tous les vices, la lâcheté comprise. « Il ne renferme pas, dit M. Ward, un seul sentiment honnête dans sa carcasse, pas une lueur de poésie, pas une étincelle d’imagination, pas un souvenir d’études sérieuses, pas une ombre de véritable esprit. » Voilà qui est bien dur et d’une extrême violence. La critique est-elle un état ? C’est l’état de tout le monde. Le journalisme constitue-t-il une situation ? est-ce une profession ? Non, certes ; chacun en Europe, exerce aujourd’hui la critique, et cette tribune de la presse militante appartient, non à un monopole spécial, mais au public tout entier.

Cecil, roman anonyme assez bien écrit et assez piquant, offre l’antagonisme le plus complet du roman de M. Ward. Toute la légèreté compassée, toute la frivolité sérieuse de la vie exclusive en Angleterre, se retrouvent dans les pages quelquefois brillantes de cette fiction élégante, qui a eu beaucoup de vogue, mais qui ne nous semble pas avoir d’importance réelle.

Parmi ces livres qui plaisent, tout en comptant fort peu dans l’histoire littéraire, je placerai au premier rang les Mémoires du comédien Mathews et ceux de la famille Colman, que l’on vient de publier. L’acteur anglais, placé en dehors de la société, ne pouvant pénétrer dans aucun de ses cadres aristocratiques, frappé d’anathème par le puritanisme en horreur aux honnêtes bourgeois, souvent aussi relevé de sa déchéance par l’admiration publique et par la liberté révoltée de l’opinion anglaise, occupe, dans ce monde hiérarchique et bizarre, une situation spéciale qui ne ressemble à aucune autre. Rien de plus aventureux, de plus étrange et de plus mêlé que la vie des Kean, des Sheridan Knowles, des Colman, des Mathews. Rien aussi de plus honnête, de plus pur, de plus complètement décent et de plus élégamment convenable que celle des O’Neil, des Siddons, des Kemble, des Mac-Ready. Plus l’exception en faveur de ces derniers est rare, plus il faut qu’elle soit méritée ; achetée à grand prix par les mœurs et le talent, elle paraît naturelle et les met de pair avec tout le monde. Parmi les acteurs, les plus amusans, il faut le dire, et les plus curieux à observer, ce ne sont pas les sages et les dignes mais les fous et les décastés. Que ne donnerait-on pas pour retrouver les mémoires de Kean, ou les confessions écrites par cette reine de toutes les actrices passées et présentes, Nelly Gwynn, à qui Charles II jetait, de sa loge, des diamans qu’elle recevait dans son tablier ; Ninon