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LITTÉRATURE ANGLAISE.

Charles Dickens, qui ne manque pas d’une certaine veine facile de gaieté inférieure, a continué ses livraisons de contes et de romans, dont la valeur n’augmente pas avec les années, et qui ne tarderont guère à épuiser le stérile trésor du jargon populaire, de l’argot des rues et des ridicules bourgeois.

James, un des esprits les plus secs qui se soient avisés d’essayer la manipulation du roman, continue à improviser sa transformation des scènes historiques en contes et en nouvelles, métamorphose persévérante des plus belles pages de Froissart en récits prolixes plutôt qu’ingénieux. Ce genre de roman qui n’est, après tout, que de l’histoire gâtée, n’a d’autre résultat que de renvoyer le lecteur à ses vieux amis les chroniqueurs du moyen-âge. Imitateur servile d’un succès déjà passé de mode, et copiste arriéré de Walter Scott, ce M. James, qui vient de s’emparer, pour son œuvre de dommage, d’un magnifique sujet, la jaquerie, a composé, avec des pages de chronique recousues, plus de cinquante volumes qui n’ont ni intérêt ni saveur, mais qu’un libraire bienveillant s’arrange pour faire réussir à demi. À chaque nouveau volume que publie M. James, on est tenté de lui adresser la question qu’une dame adressait au comédien Mathews : « Quand donc commencerez-vous à m’amuser ? »

Un autre romancier qui a dû quelque renom à sa prude sympathie pour les mœurs méthodistes de son époque, M. Ward, auteur de Tremaine et de De Vere, parvenu aujourd’hui à l’âge de soixante-seize ans, a publié un roman nouveau intitulé De Clifford. Ce n’est guère, comme ses romans précédens, qu’un tissu de sermons, mais de sermons vieillis : l’archevêque de Grenade à son dernier période. « Quel roman voulez-vous qu’on vous lise ? demandait-on à une dame dont la vue s’était affaiblie. — Lisez-moi Grandisson. Si je m’endors, je n’y perdrai rien ; je suis sûre de retrouver mes personnages causant dans le parloir de cèdre. » De Clifford est un Charles Grandisson renforcé, où le sermon domine. Par une singularité remarquable, et qui ne laisse pas d’être commune chez les écrivains d’un âge avancé, quelques scènes d’amour se font remarquer par la vivacité et la grace. Le mécontentement apparaît dans cet ouvrage, qui trahit la mauvaise humeur d’un écrivain de second ordre furieux de n’avoir pu dépasser ce niveau, et s’obstinant à prendre les bornes naturelles de son talent pour l’injustice de la société dans laquelle il vit. La fureur contre la critique et les critiques, rancune d’assez mauvais goût, signale, chez les écrivains qui cèdent à une telle faiblesse, une infériorité incurable. M. Ward, pour satisfaire son dépit,