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qu’elle pourrait tirer des pays gréco-slaves, le commerce d’échanges avec la péninsule lui devient presque impossible. Aussi, quoique cette puissance importe dans les seules principautés moldo-valaques pour plus de 10 millions par an, les spéculateurs autrichiens, forcés de laisser à d’autres peuples l’exportation des produits indigènes, finissent-ils par se ruiner. Il n’en serait pas de même pour la France, qui manque souvent des objets dont le sol gréco-slave abonde. Mieux en état que les Allemands de faire des échanges, les Marseillais approvisionneraient avec avantage ces pays de ce qui leur est nécessaire ; et si, pour échapper aux vexations douanières du transit autrichien, ils prenaient la voie de Salonik et de l’Albanie, ils réussiraient infailliblement, après quelques années de sacrifices, à établir, même sur le Danube, en face des Allemands, une concurrence lucrative. Si le commerce autrichien vient au contraire à prédominer dans ces contrées, on verra s’y reproduire les dévastations qui signalèrent la domination vénitienne. L’Autriche ne fait pas même grace de l’impôt aux trente mille sujets allemands établis en Moldo-Valachie ; elle prélève sur eux annuellement au-delà de 40,000 ducats, tandis que ces mêmes Autrichiens ne paient pas un para au pays étranger qui les nourrit. Pourtant c’est le commerce autrichien qui, malgré des conditions défavorables, a le plus de chances de prédominer, si le statu quo se maintient, et si l’Orient, par sa régénération intérieure, ne parvient pas à lui opposer une concurrence indigène.

Le Danube est le grand canal de communication entre l’Europe continentale et l’Orient. Fondant sur ce fleuve tous ses rêves de grandeur, l’Autriche va jusqu’à espérer que le Danube, tombant dans la mer Noire, rivalisera un jour avec la Méditerranée, comme voie de transport vers l’Asie. En effet, les richesses de l’Inde ont pour s’écouler en Europe trois voies naturelles, au midi et au nord les deux mers Rouge et Noire, et entre elles la mer Blanche ou l’Archipel. De ces trois grands bassins du commerce, l’Angleterre en a usurpé un ; les Grecs aspirent légitimement à en occuper un autre ; l’Autriche et la Russie se disputent, au détriment des Slaves du sud, la possession du troisième. Si ce dernier canal tombe exclusivement aux mains de l’Autriche, elle réduira par là même le commerce de tout le nord de la France à n’être que son tributaire. La Bavière le sent si bien qu’elle va creuser enfin le canal, déjà rêvé par Charlemagne, pour unir par le Mein le Danube au Rhin, et la société viennoise des bateaux à vapeur danubiens élargit de plus en plus son action. Ses pyroscaphes ne s’arrêtent plus à la