Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/431

Cette page a été validée par deux contributeurs.
427
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

plus favorable aux indigènes, ainsi que des primes d’encouragement pour les industries locales, et de paralyser le second par des constitutions provinciales mieux adaptées aux besoins des divers peuples de l’empire, et créées de concert avec leurs représentans.

La France devrait avoir dans cette grande œuvre de régénération le principal rôle. Elle qui favorise partout l’essor des nationalités devrait s’intéresser enfin à celles de l’Orient gréco-slave. Mais, depuis long-temps, la France ne s’occupe guère que de l’Orient turc et arabe ; elle néglige profondément les rayas européens, qui néanmoins disposent des clés de Stamboul. Le cabinet français avait compris que, pour régner sur l’Asie, il faut avoir à soi les Arabes mais, pendant qu’il poursuivait ce but, l’Angleterre s’affermissait à Corfou, et la Russie obtenait en Moldo-Valachie et en Serbie le droit de tutèle sur quatre millions de rayas. Depuis que cette puissance est investie de ce triple protectorat, elle remue incessamment les provinces gréco-slaves ; en Bulgarie, en Macédoine, en Hertsegovine, en Bosnie, partout elle répand des bienfaits, et promet sous main des libertés moins menteuses que celles du hatti-schérif de Gulhané. Pendant ce temps la France, absorbée ailleurs, oublie les régions qui, étant les greniers de Stamboul, peuvent envoyer à cette cité la vie ou la mort.

D’incalculables avantages récompenseraient pourtant la France de l’appui qu’elle prêterait aux Gréco-Slaves. L’organisation nouvelle de l’Orient chrétien aurait pour premières conséquences l’agonie du commerce anglais en Turquie, et le refoulement de l’action russe vers les contrées asiatiques. Une grande partie du négoce et du mouvement de transit entre l’Orient et l’Europe, qui maintenant se fait par l’Allemagne, se rabattrait vers le sud et tomberait en partage aux armateurs d’Italie et de Marseille. Il est évident qu’une fois constitués sous l’égide du sultan, les états gréco-slaves, ayant une administration séparée et n’étant plus forcés de subir les traités de commerce imposés à la Turquie par l’Angleterre, disposeraient leurs douanes de manière à grever surtout ceux des négocians étrangers qui, ne cédant leurs marchandises que pour de l’argent, excluent la réciprocité du gain ; ils favoriseraient au contraire ceux qui, en leur apportant tous les objets de fabrication nécessaires à la péninsule, leur offriraient en même temps les débouchés les plus avantageux pour leur propre industrie. Dans ce cas, l’Autriche, qui exploite la moitié de la Turquie d’Europe, devrait bientôt céder une grande partie de ses profits à la France, puisque, déjà pourvue abondamment par ses provinces hongroises, de tous les produits bruts