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toutes les querelles. Soumis par des barbares étrangers au christianisme, les Slavo-Grecs n’ont sauvé leur nationalité, à travers les âges, qu’en la cachant au fond du sanctuaire, en investissant, à l’instar des Gaulois de l’époque mérovingienne, leurs évêques de tout le pouvoir civil laissé à leurs cités conquises, et en les proclamant despoti, vladikas. Mais le despote, ou mieux l’igoumène, présent aux fêtes nationales, n’en trouble point la gaieté, comme ce serait souvent le cas si un semblable usage existait dans nos communes rurales. Sans se mêler aux danses, il les regarde en spectateur satisfait. C’est qu’au lieu d’affaiblir la morale publique, ces danses la fortifient et élèvent les ames vers l’héroïsme. Voyez les palikars grecs et les younaks slavons préparer leur danse du kolo ; ils se placent sur deux lignes dans une plaine ouverte : chacun saisit son voisin par la ceinture, en lui tendant un mouchoir blanc. Alors commence le kolo (danse du cercle), qui va s’élargissant toujours, entraînant par centaines, dans sa course circulaire, tous ceux qu’elle trouve sur son passage.

Ailleurs, dans quelque coin de la plaine, au son de la gousla, s’exécute une danse plus paisible, celle de l’oie, où le danseur et la danseuse isolés tracent des cercles de plus en plus étroits l’un autour de l’autre. On voit aussi danser la valaque (la momatchka igra des Bulgares), qui consiste à tourner sur les talons en se baissant et se relevant, puis à sauter en rentrant les genoux et en faisant claquer les doigts. On retrouve cette danse chez les paysans de la Moscovie ; burlesque et disgracieuse, malgré la naïveté de ses figures et la prodigieuse souplesse avec laquelle on les exécute, elle semble avoir été inventée pour des peuples satyres. Les Grecs ne daignent pas danser la valaque ; mais, là-haut sur la colline, voyez-les exécuter leur terrible pyrrhique, appelée aussi l’albanaise, qui fait trembler au loin la terre et inonde de sueur l’homme le plus fort. Celui qui la mène frappe du pied en cadence, et tous ceux qui le suivent l’imitent, tantôt en brandissant leurs sabres nus, tantôt-en élevant leurs bras entrelacés.

Dans l’ancienne société hellénique, chaque danse était, pour ainsi dire, un récit, le résumé d’un drame ; chacune avait un caractère ; il fallait que la pantomime suppléât la parole, et fût assez claire pour faire comprendre le sujet. L’art de la danse, devenu ainsi une véritable étude, atteignit chez les anciens Grecs une haute perfection, dont il est douteux que nos danses modernes approchent. Chaque province grecque a encore aujourd’hui sa danse locale toujours figurée, et qui semble n’être que le souvenir dénaturé d’une pantomime religieuse d’avant le christianisme. Les paroles chantées