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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

Pendant ce temps, chaque père de famille fait couler devant sa porte le sang d’un agneau ; on sert cet agneau rôti tout entier au grand repas domestique qui se donne en l’honneur de saint George, patron des tribus slaves, et représentant général des laboureurs. Cette fête, une des plus populaires parmi les Danubiens, arrive vers la fin d’avril ; elle est, comme le sémik des Russes, destinée à célébrer le retour du soleil, en même temps qu’à honorer un pieux anniversaire. À partir de ce jour, le paysan de la péninsule ne couche plus qu’en plein air, sous ses hangars ou tchardaks, kiosques champêtres ouverts de tous côtés : à ses yeux le dragon tué par saint George est vraiment le génie noir et glacé de l’hiver. C’est après la Saint-George que les bergers partent avec leurs tentes et leurs troupeaux pour le désert, et les haïdouks ou klephtes pour la montagne. C’est aussi à cette époque qu’ont lieu les grandes assemblées nationales des tribus libres de la Turquie. Dans ces assemblées, qui rappellent les champs-de-mai de l’ancienne France, on arrête, comme chez les Gaulois du temps de Clovis, le taux de l’impôt que doit payer chaque tribu dans l’année ; ou, si l’on est en guerre, on trace le plan de la prochaine campagne. À ces réunions, qui se tiennent dans certains couvens privilégiés, le laboureur et le marchand se rendent d’une distance de cinquante à soixante lieues. Le premier jour est voué aux prières ; le commencement et l’issue des offices sont annoncés par des salves de carabines ; on couche en plein champ autour du monastère ; on prie, on délibère, on danse, et le peuple dans ses hymnes célèbre deux choses que jamais Oriental n’a pu séparer, son Dieu et sa patrie. La slivovitsa (eau-de-vie slave) coule en abondance ; des chèvres, des moutons entiers sont cuits et servis sur l’herbe. Les cimetières, autour desquels se tiennent ordinairement ces réunions, sont ornés çà et là de drapeaux de diverses couleurs ; et, comme pour réjouir les mânes plaintives, on se livre sur les tombes à des divertissemens variés.

Pendant ce temps, les vieillards discutent gravement des plans politiques ou des projets d’alliances entre les familles ou les villages. Chacun parle à son tour et motive son vote. Il y a parmi les capitaines de la tribu des orateurs pleins d’éloquence, parfois des Gracchus, dont les moines sont obligés de tempérer la fougue. Le clergé slavo-grec, avec des dehors plus austères que le nôtre, est cependant beaucoup moins séparé du monde civil. Non salarié par l’état et très pauvre, il est obligé de vivre davantage avec les populations, de s’associer à toutes les douleurs comme aussi à toutes les joies des hameaux ; il est l’hôte nécessaire de tous les festins, il est le juge de