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diminuée, du moins le pays est-il débarrassé des masses d’infirmes et d’impotens qui en Europe affligent la vue. L’orient, quoi qu’en disent les journaux, n’a généralement que des populations robustes.

Les arts du dessin sont tombés au rang des arts mécaniques. L’église d’Orient, aussi bien que l’islamisme, proscrit la sculpture ; à peine permet-elle d’orner de quelques arabesques les pierres sépulcrales. La peinture fait à elle seule les frais de décoration des palais comme des temples des deux religions ; mais elle est tenue à des formules sacerdotales, à des types corrompus qu’elle doit répéter servilement. L’architecture est plus libre : toutefois les Gréco-Slaves, comme les anciens Hellènes, continuent à n’employer la pierre que pour les édifices publics et les travaux d’utilité générale. Parmi ces travaux, on remarque des ponts en très grand nombre, la plupart antérieurs aux Turcs et d’origine slave ou grecque. Le plus long de tous, celui de Silivria, compte cinquante-deux arches ; celui de Larisse, sur la Salambria, en a douze ; celui de Moustapha-Pacha, sur la Maritsa, en a dix-neuf. On admire celui de Mostar, qui a donné son nom à cette ville[1], et dont l’arche unique sur la Narenta présente cinquante aunes d’ouverture. Maltebrun prétend à tort qu’il fut « bâti par un menuisier de la ville, après que les architectes turcs en avaient désespéré. » C’est un ouvrage grec très ancien. On doit citer quelques beaux ponts modernes en bois, celui de Salonik, sur le Vardar, de trois cents pieds de longueur, celui de Philippopoli, sur la Maritsa, celui d’Andrinople, sur l’Arda.

Les palais, sans excepter ceux du sultan, sont fort loin d’égaler en éclat ceux des plus petits souverains d’Europe : l’oriental, même lorsqu’il occupe le premier rang de l’état, dédaigne le luxe pour sa demeure privée ; tout ce qu’il a de précieux est réservé à l’ornement des temples ; aussi voit-on des mosquées qui ne le cèdent pas en magnificence à nos premières cathédrales, et qui l’emportent sur nos églises quant à la richesse des dotations. Parmi les couvens chrétiens, les plus remarquables sous le rapport de l’architecture sont ceux du mont Athos en Macédoine ; en Bulgarie celui du Rilo, tout inconnu qu’il est, peut cependant rivaliser avec les plus majestueux du catholicisme.

Quant aux simples maisons, même dans les villes, elles forment un réseau de charpentes reliées par de légères parois d’argile et de chaux. Une de ces maisons, contenant sept ou huit chambres,

  1. Le mot slave most signifie pont.