Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/403

Cette page a été validée par deux contributeurs.
399
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

les prairies. L’habitant de la Choumadia et de la Macédoine, pour s’épargner la peine du défrichement, met souvent le feu à de superbes forêts, sur l’emplacement desquelles il obtient pendant quelques années d’abondantes récoltes. Les Serbes, les Albanais et les Turcs sont les plus mauvais agriculteurs du pays ; partout où ils dominent, on voit des plaines magnifiques couvertes de mauvaises herbes, si ondoyantes, que ces plateaux semblent de loin des lacs verts. Entre Aidos et Fakhi, entre Yeni-Sagra et Mengeli en Thrace, on rencontre de ces savanes, longues de plus d’une lieue. Mais le Bulgare producteur s’infiltre, comme une eau féconde, à travers ces déserts montagneux, et partout où il pénètre il fonde, loin de la vue des pachas, des oasis de culture, souvent aussi beaux que nos vallons de Normandie. L’irrigation des champs et des prés est surtout pratiquée par ce peuple, disciple en cela des Grecs, avec une admirable entente des lois de la statique. Les moindres ruisseaux sont utilisés, chaque sillon reçoit son tribut rafraîchissant, pas une goutte d’eau n’est perdue. L’étude de ces procédés nous mènerait probablement à mieux connaître les fameuses irrigations chaldéennes de l’antiquité, et simplifierait peut-être les méthodes de nos agronomes.

Les céréales les plus estimées sont le froment, le millet, le sorgo ou sirok (blé noir), et surtout le koukourouts (kalamboki des Grecs) ou le maïs, qu’on plante, comme en France, sur de longues lignes droites. Un grain de maïs en rapporte trois cents ; un grain de froment, quinze. Les paysans bulgares, serbes, moldo-valaques, ne se nourrissent guère que de farine de maïs délayée dans du lait ; ils nomment cette bouillie mamaliga : c’est la polenta italienne. En été, il se fait partout une étonnante consommation de melons de toute qualité. La Grèce produit une espèce particulière de ces fruits, qui ne mûrit qu’aux approches de l’hiver, et dont les cabanes macédoniennes sont souvent comme tapissées. Les olives grecques fournissent une prodigieuse quantité d’huile ; on évalue à vingt-cinq ou trente livres la masse de ce liquide tirée annuellement d’un olivier ordinaire. Candie en exportait naguère encore vingt mille livres par an ; si les Turcs y laissaient libres et la nature et le génie grecs, cette magnifique île ne serait bientôt qu’une grande forêt de ces arbres précieux : les oleasters (oliviers sauvages) y croissent d’eux-mêmes sur toutes les montagnes. Il n’est pas étonnant que, dans des contrées où les plus beaux produits de la nature surabondent, la pomme de terre soit inconnue. Le prince de Serbie Miloch, pour en introduire l’usage, a dû rendre une loi qui enjoignait à tout paysan d’avoir un