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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

et Anglais, d’abord comme auxiliaires des Turcs contre les rébellions incessantes des rayas, puis comme maîtres définitifs du pays.

Instruits par une trop vieille expérience, les peuples gréco-slaves n’aspirent plus qu’à vivre unis ; les plans de leurs chefs, tout aussi bien que leurs journaux et leurs chants populaires, expriment unanimement ce vœu. Ils ne demandent point à se séparer du sultan, ils veulent rester dans l’empire, mais comme vassaux et non comme sujets. Leur rêve favori est une confédération chrétienne, aboutissant au trône de Stamboul et contrebalançant la confédération musulmane d’Asie, qui aboutirait de même au Bosphore. La situation respective des cantons de la fédération gréco-slave rappelle assez exactement la disposition des diverses parties d’une pyramide. La base en serait formée par le cours du Danube, que dominent la Moldo-Valachie et la Serbie ; sur les deux flancs de la pyramide se placeraient la Bulgarie et la Bosnie, avec ses annexes, le Montenegro et la Hertsegovine. Ce premier massif a pour entablement la chaîne du Rhodope, qui porte la seconde moitié de la pyramide, plus allongée, mais beaucoup moins large que la première. Cet étage supérieur présente sur une ligne parallèle l’Albanie et l’Épire, la Macédoine et la Thessalie, l’état de Constantinople et la Thrace. Rattachée par de nombreux liens à ces trois groupes, la Grèce, ce royaume tout maritime qui ne peut vivre que par ses relations avec les provinces agricoles, s’en dégage avec peine pour s’élancer dans la mer comme un vaisseau, ayant à sa droite la prétendue république des îles Ioniennes, et à sa gauche les futures villes libres de l’Asie mineure. Enfin la pyramide est couronnée par Candie, qui se baigne dans les eaux de l’Afrique, pendant que la Moldavie voit déjà naître dans son sein cette grande steppe du nord, qui de là s’étend sans interruption jusqu’à la Chine.

On conçoit qu’à la vue de tant de provinces qui, jouissant du plus doux climat, baignées des plus belles mers du globe, étaient prêtes à se livrer à lui, on conçoit qu’Osman ait fait jadis son magnifique rêve ; qu’il ait vu en songe son empire futur, pareil à une tente de feuillage surmontée par le croissant de la lune et posée sur quatre grandes colonnes, l’Hémus, le Caucase, le Taurus et l’Atlas. Cette tente verdoyante était formée par un seul arbre, qui sortait des reins du nomade asiatique ; des racines de l’arbre jaillissaient le Danube, le Tigre, l’Euphrate et le Nil, couverts de vaisseaux comme la mer. Les campagnes étaient chargées de moissons et les montagnes d’épaisses forêts ; dans les vallées s’élevaient des villes couronnées de