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aient formé si long-temps la plus digne portion du genre humain, et qu’ils tendent aujourd’hui avec ardeur à reprendre leur rang dans le monde.

II.

Les divisions politiques de la péninsule sont des divisions toutes naturelles, déterminées chacune par un groupe de montagnes, avec l’ensemble de plateaux qu’il supporte, et de rivières ou de bassins qui en émanent ; à l’abri de ce groupe, une nation se trouve établie avec ses diverses tribus, qui forment autant de provinces. Ces grandes divisions territoriales, au nombre de cinq, sont : au sud, la Romélie, qui comprend tout le pays des Romeoi ou des Grecs ; à l’ouest, vers l’Adriatique, les trois provinces dites d’Albanie ; au nord-ouest, les vastes contrées formant autrefois le royaume serbe, et connues aujourd’hui sous le nom de Hertsegovine, Montenegro, Bosnie, Croatie et Serbie ; à l’est, les nombreux pachaliks de l’ancien état bulgare, situés le long de la mer Noire et du Danube ; enfin, de l’autre côté du fleuve, la longue région appelée Moldavie et Valachie, qui, impuissante si elle est isolée, devient formidable et florissante si elle s’allie, comme boulevard, à un grand empire.

Ces cinq parties de la Turquie d’Europe, si naturellement distinctes que jamais aucun pouvoir n’a pu et ne pourra les confondre, sont occupées par cinq nationalités, toutes à peu près d’égale force, mais où prédomine numériquement la race slave, puisqu’en Turquie seulement la population slave s’élève à près de huit millions. Cette population est partagée, il est vrai, en deux peuples qui diffèrent complètement de goûts et de tendances, les Bulgares et les Serbes. Les Bulgares, au nombre de quatre millions et demi, n’aiment que la paix et l’agriculture ; les Serbes, qui, non compris ceux d’Autriche, sont dans la seule Turquie forts de trois millions, aiment surtout la vie aventureuse du guerrier et du pâtre. Mais les uns et les autres ont juré d’être libres ; et, dans leurs luttes pour l’indépendance, ils trouveraient, s’ils étaient vaincus, l’hospitalité au-delà du Danube, chez leurs alliés les Moldo-Valaques. Cette autre nation, de près de quatre millions d’ames, divisée en deux principautés qui ne forment réellement qu’un seul et même état, couvre le nord de l’empire, et complète avec les Slaves la ligne de tribus, qu’on appelle improprement les peuples nouveaux de la péninsule, par opposition aux deux nations antiques des Hellènes et des Albanais, les Illyriens primitifs. La