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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

des églises et des couvens qui ne reproduise le style moscovite. Mais, dans les jeux, les danses populaires, la musique, les procédés des arts, le commerce, l’agriculture, et surtout dans les rites religieux, l’hellénisme se maintient encore. La Valachie se rattache plus directement que l’autre principauté à la péninsule grecque, car elle communique par ses deux portes de fer avec l’Eptapole ou Transylvanie, et avec les nahias (districts) serbes et bulgares, tant de la Morava que du Timok. Les rives de ce dernier torrent, escarpées au point d’être presque inaccessibles, nourrissent même une forte population de pâtres roumounes qui de là s’infiltre au sud, en poussant ses troupeaux jusqu’à l’Épire.

Ainsi la presqu’île gréco-slave ne présente guère qu’un entassement de montagnes : on dirait un vaste théâtre composé d’innombrables terrasses, qui, fermées du côté de l’ouest, du nord et du sud, ne s’abaissent et ne s’ouvrent qu’à l’orient, par les plaines de la Thrace et du Danube. La mer semble avoir travaillé d’accord avec les montagnes à faire de ce pays une terre privilégiée : qu’on en suive les contours depuis Raguse et le golfe de Cattaro, dans l’Adriatique, jusqu’au cap Matapan, et de là par les Bosphores jusqu’à Soulina et à Galats, puis qu’on cherche un développement de côtes, d’îles et de ports comparable à celui-ci. Ce coin du globe en est certainement la partie la plus achevée. Aussi la Méditerranée, cette mer si mouvante, qui ensable tant de rivages, n’a-t-elle rien changé à ceux des Hellènes ; leurs ports n’ont été, depuis deux mille ans, ni rétrécis ni comblés ; ils sont toujours les plus beaux de l’Orient. Ces côtes, presque partout calcaires et à pic, défendent les habitans contre l’attaque des eaux, comme les montagnes de l’intérieur les protègent contre l’agression de l’ennemi. On peut donc dire en toute vérité que ce pays a dans son sol même les élémens de l’indépendance. La mer Égée (Archipel) s’appelait autrefois mer Blanche c’est-à-dire mer royale et libre : ce nom de mer Blanche ne désigne plus aujourd’hui que la mer de Marmara, lac de décharge de la mer Noire ; mais ce beau lac maritime est appelé à devenir, comme autrefois, un appendice de la Grèce. Les côtes de l’Archipel, chargées de raisins, de citrons, d’olives, outre qu’elles sont sans hiver, se trouvent encore garanties d’un excès de chaleur par la brise de mer, et jouissent d’un plus heureux climat que l’Italie même. Loin d’assoupir l’intelligence et le courage, le long été de ces régions ne fait que développer plus harmonieusement toutes les forces humaines ; aussi comprend-on sans peine que les peuples de cette péninsule