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LA SOCIÉTÉ ANGLO-HINDOUE.

lui qu’il était fils d’un exilé irlandais, compromis dans les nombreuses conspirations des White Boys. La fusion s’annonce de toutes parts. Les enfans ne prononcent et ne parlent plus l’anglais véritable ; les liens de patrie et de famille sont déjà brisés. Il y a quelque chose de plus extraordinaire encore dans cette situation que dans celle de l’Amérique septentrionale. Quel que soit le nombre des Anglais qui abandonnent leur pays pour l’Hindoustan, rien n’arrêtera cette transformation, puisque la force et la nécessité transformatrice résident dans le nouveau pays qui reçoit les émigrans. En voyant une foule de figures calmes et pâles, le front entouré de turbans et le sein enveloppé dans leur mousseline blanche, écouter les plaintes de Hamlet et les fureurs d’Othello, on ne peut nier qu’un lien ne se forme entre les descendans de ces deux races qui s’annullent mutuellement. Certes, parmi toutes les transformations inévitables dont le monde où nous sommes est le théâtre éternel, il n’en est point de plus intéressante que celle qui se prépare de ce côté ; changement d’autant plus curieux qu’il est naïf, qu’il échappe aux prévisions de toutes les théories, qu’il n’est réglé par aucune constitution faite à l’avance, et que je ne sache pas un publiciste qui, dans ses vues civilisatrices et dans ses règlemens à l’usage du genre humain, se soit avisé d’y songer.


Philarète Chasles.