tribus étrangères plus ou moins fondues avec le vaste corps dans lequel elles sont enclavées. On devrait s’occuper davantage des Serbes ou Illyriens, qui constituent la principale force militaire de la Turquie d’Europe et de la Hongrie ; il faudrait honorer d’un regard les journaux et les publications nationales que ce peuple imprime en Croatie, en Dalmatie, en Syrmie, à Belgrade, et jusque sous la liberté de la montagne Noire (Tserno-Gortsa sloboda) titre que prend l’état monténégrin. On ne suit pas les Moldo-Valaques et les peuples des Karpathes dans leur marche toujours ascendante vers l’affranchissement. On oublie les Bulgares, qui viennent de fonder, pour leur belle langue, inconnue de l’Europe, des imprimeries à Boukarest, à Odessa, à Smyrne. La France devrait-elle négliger ainsi ce grand travail politique et littéraire qui, n’ayant d’autre phare que la Russie, menace d’entraîner sous cette influence la moitié de l’ancienne Turquie et le quart de la Méditerranée ?
On s’est accoutumé à ne voir le siége de la puissance slavone qu’en Russie ; mais, loin de pouvoir être exclues du cercle slave, les provinces danubiennes en sont au contraire l’axe et le noyau : les premiers trônes de la race slave ont resplendi sur le grand fleuve ; le dernier retranchement où ce peuple s’est toujours victorieusement défendu contre toute conquête est la chaîne karpathique. Le Karpathe ou Krapak est comme le mont Merou de cette race géante. Homère célébrait déjà la mer de Karpathos et son île montagneuse. En slavon, ce mot, racine d’une foule d’autres, désigne le fort, la puissance (krepkiy, krepost), et le brave (chrabriy) ; d’où est venu le nom des Chrobates, aujourd’hui Croates, premiers maîtres de ces sommets. La Hongrie et la Turquie d’Europe étant l’artère la plus vitale du corps slave, le Danube n’est donc qu’un fleuve slavon.
Si une fois la confédération slavo-grecque se nouait fortement dans la péninsule[1], l’Autriche perdrait sa prépondérance sur des peuples qui ne lui appartiennent pas. Ce Slave, si brave, si intelligent, si sympathique, dont le nom, Slaviane, signifie l’homme glorieux avait été, comme hérétique et schismatique, réduit par les pieux Germains du moyen-âge à un état voisin de celui de la brute, et son nom était devenu synonyme de valet[2]. Les Allemands parviendront-ils à se faire pardonner le passé ? Ils y réussiraient peut-