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LETTRES D’ORIENT.

tane Validé, mère du sultan Sélim. Cette fondation se compose de magnifiques tombeaux, d’une belle fontaine et d’un minaret ou établissement pieux pour les pauvres ; on leur y distribue des vivres à certains jours marqués. Ces monumens sont des plus gracieux qui puissent se voir ; le marbre et les dorures en décorent les parties principales ; on les trouve gravés dans tous les ouvrages sur Constantinople. Nous n’avons pu, faute de firman, voir de la mosquée d’Eyoub que la cour et le péristyle ; il ne règne pas ici la même tolérance qu’à Brousse. Cependant nous avons été admis sans beaucoup de difficulté dans une autre mosquée du voisinage, toute bariolée de rouge et de blanc, et qui a cela de particulier, qu’elle est entourée de tous côtés, à l’intérieur, de tribunes. De là nous avons erré dans la ville, et nous avons atteint par hasard la porte d’Andrinople, l’une des plus fréquentées ; d’un café voisin, nous avons passé en revue les arrabas qui revenaient de la campagne. De ce point aussi, on aperçoit une assez grande portion des vieux murs byzantins. Dans le quartier juif, nous venions de voir les restes d’un palais du même temps. Enfin, nous avons regagné le pont de bateaux en face de Galata.

Nous venons de faire une partie charmante chez M. Alléon, banquier français très considéré, et qui est à la tête de la meilleure des maisons de commerce de Constantinople. Après être passé à Buyukdéré, où est son habitation principale, nous nous sommes rendus à celle plus modeste qu’il possède au milieu de la forêt de Belgrade, à deux ou trois lieues du Bosphore. Il nous y avait fait préparer une collation. Un convive aimable s’était joint à la troupe, M. Billecoq premier secrétaire de l’ambassade, et qui vient d’être nommé consul-général à Bucharest. Chemin faisant, nous avons visité le système fort remarquable de réservoirs et d’aqueducs établi dans cette forêt pour l’entretien des fontaines de Constantinople. M. Anselme, capitaine d’état-major, aide-de-camp de l’ambassadeur, avait bien voulu nous servir de guide, et s’en est acquitté on ne peut mieux. La forêt de Belgrade est assise sur un des derniers rameaux des Balkans (l’Hœmus) ; les empereurs byzantins y avaient fait recueillir les eaux des principaux ruisseaux du voisinage ; il y existe encore plusieurs aqueducs d’Andronic, de Justinien, très bien conservés, et qui servent encore aujourd’hui. Les sultans ont également construit des aqueducs, et ils ont surtout augmenté le nombre des réservoirs ; ce sont des étangs soutenus par de fortes chaussées en maçonnerie, comme ceux de la montagne Noire qui alimentent le bief de partage de notre canal du Midi. Les réservoirs appelés bends sont de fort beaux ou-