Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/371

Cette page a été validée par deux contributeurs.
367
LETTRES D’ORIENT.

ici c’est une colonne, là un bas-relief ou une inscription. À la sortie, du côté de Constantinople, en avant de l’arc de Trajan, la première enceinte est fermée par une porte dont les deux montans et le seuil sont des colonnes mutilées.

Pline le jeune, ami et panégyriste de Trajan, fut préteur de Bithynie. Il parle de Nicée dans ses lettres ; il y fait mention aussi d’un projet de communication d’un lac avec la mer. M. Texier avait pensé qu’il s’agissait du lac de Nicée ; mais je me range à l’avis de M. de Hammer, qui applique, ce me semble, avec raison, le texte de Pline au lac de Sabandja et au golfe de Nicomédie. M. Texier n’est pas éloigné de revenir à cet avis ; nous avons longuement discuté la question sur les lieux. La réunion du lac de Sabandja au golfe de Nicomédie fournirait une communication de la mer Méditerranée à la mer Noire par l’intermédiaire du Sangarius, et pourrait avoir une assez grande importance commerciale et politique ; les Turcs, dans les beaux temps de leur empire, avaient repris ce projet.

Nicée, fondée par Antigone, lieutenant d’Alexandre, qui lui donna le nom de sa fille, a été pendant plusieurs siècles l’un des boulevarts de l’empire grec contre l’invasion des musulmans. Tombée enfin entre leurs mains, elle fut assiégée sans succès en 1096 par les croisés, et reprise par eux l’année suivante (ils avaient pour chefs Godefroy de Bouillon et Tancrède) ; siéges fameux qu’il faut lire dans l’Histoire des Croisades. Ce livre aura bien de l’intérêt pour moi, lorsque après l’Asie mineure j’aurai vu la Syrie et Jérusalem ; car c’est là le théâtre complet de ces expéditions mémorables, que notre siècle d’indifférence en matière de foi a de la peine à comprendre. Nicée tomba définitivement au pouvoir des Turcs en 1330. Elle est encore chère aux catholiques à un autre titre : c’est là que s’est tenu, le 25 juillet 325, sous la présidence de l’empereur Constantin, au jour anniversaire de la vingtième année de son règne, le concile d’où date le symbole de l’église romaine. Là fut condamnée par trois cents évêques ou saints docteurs, contre dix-huit, l’hérésie d’Arius. On n’est pas d’accord sur l’emplacement de l’église où s’est tenu le concile : l’enceinte délabrée que M. de Hammer signale comme un reste de cette église me paraît bien exiguë. Quant à l’église grecque actuelle d’Isnik, elle est encore plus petite. Cet édifice est du temps d’un autre Constantin appelé Porphyrogénète. On remarque, sous le portique, des figures de Vierge et de saints en mosaïque d’une belle conservation ; Saint-Marc de Venise et la cathédrale de Pise ne possèdent rien de mieux.