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LETTRES D’ORIENT.

nefort, notre célèbre botaniste, lors de son voyage vers 1700, n’a point atteint le sommet ; il s’était trouvé à Brousse en novembre, et la saison était rude. L’Olympe, dans le plus fort de l’été, porte un grand manteau de neige, un peu troué, il est vrai, çà et là par les rochers : c’est sur l’Olympe qu’on recueille en grande partie la neige qui sert à la consommation de Constantinople, comme la neige de Naples se recueille au monte San Angelo. Les diverses régions végétales sont marquées d’une façon très tranchée sur les pentes de l’Olympe. Au pied, les noyers et les châtaigniers ; au-dessus les chênes, plus haut les hêtres, puis les pins et les sapins (c’était la première fois que nous voyions cette dernière espèce en Asie), enfin les arbustes rampans. M. Saul et moi avons eu lieu d’être assez contens de notre récolte dans la région supérieure, celle des pâturages, habitée pendant l’été par les tribus turcomanes, qui y vivent sous la tente ; mais il a fallu faire notre deuil de la vue. Arrivés au sommet, nous y avons été entourés par les brouillards, qui nous ont caché l’un des plus beaux panoramas qu’offre ce pays. La mer de Marmara, les golfes de Moudania et de Nicomédie, et Constantinople à l’horizon, voilà ce que nous devions voir. Force a été de nous contenter, sauf quelques échappées au moment où nous sommes descendus, de la description de M. de Hammer. Nous avons été un peu plus heureux pour la vue du sud, et nous avons pu, grace à une rafale qui a balayé pour une dizaine de minutes ces maudits brouillards, suivre de l’œil toute la route que nous avions faite à travers la Phrygie pendant les semaines précédentes. M. Texier avait apporté son baromètre ; il a trouvé 1930 mètres pour la hauteur de la montagne. Nous étions de retour au gîte après le coucher du soleil : nous avions marché presque sans relâche.

Le lendemain, nous avons arrangé nos plantes, et reconnu qu’il serait bientôt temps, sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, d’arriver à Constantinople ; les malles de botanique sont pleines, et même elles commencent à déborder dans les sacoches. Tout se trouve fort heureusement en bon état.

Je n’ai pas voulu quitter Brousse avant de revoir, pour mon compte particulier, les plus belles mosquées ; j’ai trouvé celle de Bajazet et la grande mosquée du centre de la ville, l’Uloudjami (celle qui contient une fontaine), plus belles que la première fois. Accroupi à la turque au pied d’un des piliers de l’Uloudjami, je suis resté pendant un assez long temps en contemplation, tandis qu’à mes côtés de bons musulmans se livraient, sans paraître me remarquer, à leurs actes de