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Les tombeaux d’Amurat, situés à un quart de lieue à l’ouest, sont fort mal entretenus, mais remarquables par les deux magnifiques platanes qui les ombragent.

Les bains d’eau thermale sont à une demi-lieue de Brousse, aussi du côté de l’ouest. La température de ces bains célèbres est celle de l’eau bouillante ; aussi les baigneurs se contentent-ils de s’exposer à la vapeur que dégagent les sources dans les étuves. En quelques secondes, on est baigné de sueur ; de l’étuve, on passe dans la salle tempérée, puis on rentre dans la salle froide, où l’on se rhabille : c’est la distribution des bains antiques. La construction de ceux de Brousse n’a rien de monumental ; ce sont des rotondes surmontées de coupoles et éclairées par le haut au moyen de verres épais comme les cabines des navires. Tout le monde, sans distinction d’état et de religion, y est admis ; il y a un jour de la semaine réservé pour les femmes. L’espèce humaine n’est pas la seule qui profite de ces eaux salutaires ; nous y avons vu amener un beau cheval qui s’y tenait fort tranquille et paraissait se plaire beaucoup aux frictions et aux lotions auxquelles on le soumettait.

Il y avait à Brousse spectacle de marionnettes, divertissement fort goûté des Turcs. Nous nous sommes rendus au lieu du spectacle, près de Bounar-Baschi, la grande source de la ville, et nous avons pris place. De ma vie, je n’ai vu rien d’aussi dégoûtant. Les scènes représentées sont d’une obscénité révoltante, et il paraît que les paroles sont à l’avenant. Le Karagheuz, espèce de polichinelle turc, laisse bien loin derrière lui ses confrères de Naples et de Rome. On est étonné de voir les Turcs, gens graves et d’ordinaire très réservés, prendre plaisir à un pareil spectacle. On dit qu’il est admis même dans les fêtes de la bonne société ; il est vrai qu’il n’y a pour spectateurs que des hommes. Les voyageurs doivent voir un peu de tout ; nous ne pouvions pas omettre ce trait des mœurs locales, quelque contraire qu’il fût aux bonnes mœurs.

Nous avions retardé notre ascension au mont Olympe, dans l’espoir que les nuages qui couvraient sa cime se dissiperaient ; mais, comme nous ne pouvions attendre indéfiniment le bon plaisir du temps, nous y sommes grimpés malgré les nuages. La montée jusqu’au sommet le plus élevé est de huit heures, dont six et demie à cheval et le reste à pied. Cette montagne porte un nom bien célèbre, celui de la demeure des dieux. Elle partage cet honneur avec deux autres montagnes du même nom, l’une en Thessalie, l’autre en Crète ; celle de Brousse est l’Olympe de Bithynie. Tour-