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LETTRES D’ORIENT.

sous nos yeux quelques fouilles pour dégager des portions de la frise ; nous avons trouvé des bas reliefs de la plus belle exécution représentant un combat entre des Amazones et d’autres guerriers tous à cheval. M. Texier est persuadé qu’il serait facile de retrouver, en fouillant le sol, presque toute cette frise ; en effet, le temple paraît avoir été renversé par un tremblement de terre ; du moins c’est ce que nous avons conjecturé d’après la disposition régulière des fragmens que la terre n’a point recouverts. Une pareille frise, transportée à Paris, serait un des plus beaux ornemens de notre Musée. Dans notre enthousiasme, il était question d’écrire immédiatement à M. Duchâtel, pour lui demander d’envoyer sur les lieux un architecte accompagné de deux ou trois marbriers. Il faudrait d’abord réduire l’épaisseur des fragmens ; on les transporterait ensuite aisément sur un radeau jusqu’à l’embouchure du Méandre. Avec une trentaine de mille francs de frais, la France pourrait ainsi acquérir un objet d’art d’une valeur inestimable ; mais nous avons pensé que cette affaire se traiterait mieux de vive voix que par correspondance.

De Gumusch nous sommes rentrés dans la grande vallée du Méandre ; elle est un peu mieux cultivée dans la partie qui avoisine Aïdin que dans celle que nous avions traversée quelques jours auparavant en venant par Sokia.

Aïdin a, comme Smyrne, des rues étroites, tortueuses, mal pavées, des aqueducs en mauvais état : la misère y étale partout ses tristes livrées, mais la situation est charmante ; les maisons sont entremêlées de verdure ; un vallon, au débouché duquel la ville est bâtie, fournit de belles eaux. C’est de ce côté que se trouvent le kiosque du pacha, le champ de manœuvres de la garnison, et quelques cafés où les oisifs vont faire leur kief (repos). Au-dessus, sur un plateau que nous avons parcouru hier matin, était bâtie la ville antique de Tralles ; on n’y trouve pas d’autres vestiges que trois grandes arcades qui s’aperçoivent de très loin, et qui peut-être appartenaient à ce gymnase fameux où s’enseignaient jadis, selon le témoignage de Strabon, la grammaire et la rhétorique. Chaque jour, les marbres épars sur le sol sont employés à décorer les cimetières turcs et juifs, mais après avoir été recoupés et retaillés. C’est ainsi que va s’effaçant tout ce qui restait de l’antiquité ; il ne faut plus guère compter, en fait de sculptures et d’inscriptions, que sur ce que des fouilles bien entendues pourraient fournir.

Nous avons visité en détail la caserne où sont rassemblées les re-