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LETTRES D’ORIENT.

cette occasion de voyager avec des Francs était à la fois une distraction et une aubaine, car nous avions fait prix avec lui : les prêtres grecs de la campagne diffèrent peu de leurs ouailles. À peine reste-t-il quelques vestiges de Métropolis, mais la contrée où ils sont répandus est très agréable ; ce ne sont que bosquets de styrax, de genêts d’Espagne, ruisseaux descendant des montagnes. Arrivés vers une heure sur le bord de la mer, il fallut choisir un lieu propice pour passer la nuit, car de maisons pas d’apparence : nous ne rencontrâmes dans cet endroit que des pêcheurs de Smyrne, dont le petit navire était mouillé dans la rade voisine. Nous choisîmes l’entrée d’une grotte autrefois consacrée à Apollon, et au fond de laquelle coule une source bien connue des marins ; nous disposâmes nos lits, recouverts de leurs moustiquaires, de manière à éviter tout à la fois l’air frais de la grotte et le vent extérieur ; nos moustiquaires sont d’ailleurs assez épaisses pour nous garantir du serein. Pendant que nos gens nous installaient ainsi, nous allions visiter l’emplacement de Claros, marqué par des murailles assez bien conservées sur plusieurs points. La ville était située sur une montagne un peu surbaissée vers le milieu du plateau, et dominant le golfe de Scala-Nova ; nous apercevions de loin l’embouchure du Caystre et ce qui reste d’Éphèse. Deux monumens sont encore, sinon debout, au moins très reconnaissables à Claros ; l’un est un temple d’Apollon, dont Strabon ne dit qu’un mot en rapportant l’histoire de Calchas, mort de dépit dans ce lieu même, parce qu’il y avait rencontré, à son retour de la guerre de Troie, un augure nommé Mopsus, plus habile que lui. On croit que Mopsus habitait la grotte même où nous sommes logés. Tout le plan du temple nous fut expliqué par M. Texier, et nous eûmes bientôt reconstruit, par la pensée, les péristyles et la cella. Les Grecs avaient soin de choisir, pour les monumens de ce genre, de belles situations : celle-ci est admirable, et m’a rappelé tout ce que j’ai lu du cap Sunium. Aux marches du temple fait face un théâtre adossé à une élévation du sol ; il est encore en assez bon état : la scène et une partie des gradins sont debout. J’ai reconnu là de quel avantage est pour l’étude des antiquités, dans le voyage que je fais actuellement, mon apprentissage d’Italie. Je comprends M. Texier fort bien, et je me permets même quelquefois de me former une opinion à moi tout seul.

Claros, Métropolis, Éphèse et plusieurs autres villes, comme Colophon, Smyrne, Phocée, au nord, Priène, Milet, au midi, formaient cette célèbre confédération ionienne qui tient une si grande place dans l’histoire. Toute la côte était alors couverte d’une popu-