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même où les pêcheurs venaient d’en retirer les filets. Nous avions profité de cette occasion pour faire quelques observations sur des animaux de mer. M. de Mieulle s’occupe de zoologie, et je l’encourage à poursuivre cette étude, qui, comme toutes les branches de l’histoire naturelle, ajoute singulièrement à l’intérêt des voyages.

On nous avait parlé, il y a quelques jours, d’un monument à rechercher d’après de vagues indications et suivant le désir de M. de Humboldt, aux environs de Nif ou Nymphio, à six lieues d’ici. Un Anglais, qui avait visité cette contrée il y a quelque temps, en avait parlé à la société archéologique de Rome ; d’après le dire de ce voyageur, il s’agissait d’une figure d’une haute antiquité sculptée sur un rocher au milieu des bois. C’est sur ces données que nous sommes allés à Nif. Le chemin, tendant vers l’est, traverse un chaînon du Sipylus. Après deux haltes dans des cafés assez misérables, mais qui toujours excitent notre curiosité par les scènes variées qui s’y passent, nous sommes arrivés vers onze heures à Nif, dans la cour de l’aga, ou chef du village. Il nous a reçus très poliment : c’est un homme instruit pour un Turc ; il nous a parlé de Xerxès, auquel il attribue la construction du château en ruines dominant le village. Dans ce pays, les voyageurs reçoivent de l’autorité locale des billets de logement, mais, bien entendu, moyennant paiement de leur dépense à l’hôte qui les héberge. Le nôtre était un Grec. En moins d’un quart d’heure, la maison entière fut mise à notre disposition, et nous étions assis sur les tapis de la galerie en face d’un paysage délicieux. Nif, situé au pied de belles montagnes boisées, est renommé pour sa culture, et notamment pour ses cerisiers, qui approvisionnent Smyrne. Impossible d’imaginer une campagne plus fraîche, plus arrosée : l’abondance d’eau dans un pareil climat est le gage d’une végétation luxuriante. À une heure nous étions à cheval, en quête de notre monument, avec un guide du pays ; il nous y a conduits tout droit, à deux petites lieues de là. Nous avons traversé une contrée qu’on pourrait appeler déserte, si de temps à autre on n’apercevait dans les sites les plus frais quelques tentes noires de Turcomans surveillant leurs troupeaux. Ce sont de vrais nomades. Nous avons rencontré une de leurs familles accroupie pour le repas ; c’était un tableau que M. Texier a regretté de n’avoir pas le temps de dessiner. En revanche, il a copié très exactement la figure sculptée du rocher, et M. de La Bourdonnaye a pris une vue du site, qui est très pittoresque. La figure sculptée est celle d’un homme du temps des Mèdes, armé d’un arc et d’une pique ; il porte le bonnet pointu et les