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LETTRES D’ORIENT.

vue s’étend sur une partie des îles voisines ; elles sont toutes très arides, à l’exception de Tine, où la culture est assez riche. Les îles de la côte d’Asie sont beaucoup plus belles : on dit que Mételin et Rhodes sont remarquables par la force de leur végétation.

Smyrne.

Nous voici arrivés à point nommé. Avec la rapidité des paquebots, on perd en quelque sorte le sentiment des distances. Ainsi j’ai toutes les peines du monde à me persuader que le 11, à sept heures du soir, j’étais encore à Marseille, et que dans l’intervalle j’ai rangé toute la côte occidentale de l’Italie, la Sicile, Malte et l’Archipel ; il faut bien le croire pourtant, car me voilà dans une ville turque, dans une ville à mosquées. Dès cinq heures du matin, j’étais sur le pont ; je passais avec M. Alliez, notre commandant, la revue des lieux célèbres que nous avions en vue, Tchesmé, en face de Chio, où les Russes brûlèrent, dans le siècle dernier, la flotte turque ; Phocée, la mère-patrie de Marseille, et Clazomène. Auprès des îles d’Ourlac est mouillée la division française, dignement commandée par l’amiral Lalande. Il monte l’Iéna, dont M. Bruat, qui a été si bon pour nous dans notre traversée de 1829, sur le Breslaw, est actuellement capitaine. Nous nous sommes arrêtés un instant pour causer avec eux. Nous nous proposons d’aller les voir un de ces jours plus à notre aise, car nous n’avions aujourd’hui que le temps nécessaire à notre commandant pour remettre ses dépêches ; l’amiral les attendait avec quelque impatience, le bruit s’étant répandu dans ces parages que les hostilités ont commencé, du côté de l’Euphrate, entre le sultan et Méhémet-Ali. Cette circonstance a peu d’importance pour nous, qui allons d’un autre côté.

À Syra, on nous avait rapporté un fait qui cause toujours quelque préoccupation : c’est qu’il y avait eu ici quelques cas de peste, il y a une dizaine de jours. Le fait, vérifié par nous au consulat de France, aussitôt après notre débarquement, est qu’en effet quelques Turcs, venant de Syrie, sont tombés malades dans le quartier arménien ; on les a mis en surveillance, et depuis cinq jours la santé publique est parfaite. Au reste, les Européens, soit manque de prédisposition, soit à cause des sages précautions qu’ils prennent, ne sont presque jamais atteints, et quand le contraire arrive, ce n’est que dans les cas où la peste sévit violemment : alors il faut s’éloigner des lieux atteints par la maladie.