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LETTRES D’ORIENT.

une description, de te peindre ces deux côtes de Calabre et de Sicile, la première si sauvage, l’autre si gracieuse, si bien cultivée, d’un ton de végétation si chaud, et dominée par le majestueux Etna. Le front du volcan n’était plus caché par les nuages, et nous avons pu jouir à l’aise, sur le pont, après dîner, d’un spectacle que je n’oublierai jamais ; tous les passagers, même les plus indifférens, en étaient frappés. La soirée s’est terminée par un petit concert dont nos Anglaises ont fait les frais.

Je te quitte parce que nous approchons du port de Malte et qu’il faut examiner avec soin cette île célèbre. Il y a quarante-un ans, le général Bonaparte y abordait avec l’armée française victorieuse, et aujourd’hui cette belle station navale, l’une des premières peut-être du monde, est au pouvoir de l’Angleterre !

Malte.

Rien n’est plus singulier que l’aspect général de ces îles toutes pelées, et qui néanmoins comptent cent vingt mille habitans ; rien n’est plus étrange aussi que l’entrée de ce port, ou plutôt de ces cinq ports, où les flottes les plus nombreuses trouvent un excellent abri. L’escadre anglaise, commandée par l’amiral Stopford, y est mouillée ; nous avons compté cinq vaisseaux et deux frégates. Rien n’égale la magnificence de cet établissement militaire ; l’étendue des fortifications est immense, et elles sont dans le plus parfait état d’entretien. La ville est bien bâtie, toutes les maisons sont blanches, sans toit comme en Orient, et leur façade porte généralement un balcon couvert, en forme de tribune d’orgues ; les rues sont tirées au cordeau, et souvent une vue de la mer termine la perspective. Malte jouit déjà du climat de l’Afrique ; j’y ai vu, à la vérité dans une situation abritée, des bananiers en pleine terre. La population est un mélange de toutes les nations ; mais la race indigène tient de l’Arabe par sa physionomie et aussi, dit-on, par son idiome : je n’ai pu juger de ce dernier point que par les sons gutturaux inaccoutumés que j’entendais résonner autour de moi. Le monument principal de Malte est l’église de Saint-Jean, toute remplie des tombeaux des anciens chevaliers de l’ordre ; les mausolées sont d’une exécution médiocre, et remarquables seulement par les souvenirs qui s’y rattachent. Les tombes forment le pavé de la nef et des chapelles latérales ; elles sont toutes incrustées de pierres dures en travail florentin. Nous y avons lu avec intérêt un grand nombre de noms de familles françaises. La soirée s’est passée très agréablement chez M. Fabreguettes, notre consul ;