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Revenons aux affaires du jour. Nous espérons que les espiègleries que la Russie et la France ont jugé à propos de se faire sur le terrain de l’étiquette ne se renouvelleront pas. M. Guizot l’a dit : ce n’est pas là de la politique. Ajoutons que de nos jours il n’y a rien là de digne ni de sérieux. Ce n’est plus le temps où des faits de cette nature pouvaient avoir l’importance d’un évènement politique et entraîner pour les deux pays les conséquences les plus graves. Heureusement, il n’y a pas de souverain aujourd’hui qui puisse jeter son pays dans une guerre pour un compliment refusé. Ces petits moyens n’ont plus de grandeur, parce qu’ils sont sans péril. Quand la France et la Russie voudront fixer leur attention sur leurs vrais intérêts, elles ne tarderont pas à reconnaître qu’elles ont mieux à faire que de persévérer dans ces mesquines brouilleries auxquelles le sentiment national ne prend aucune part. Cela est évident chez nous, et nous sommes persuadés qu’il en est de même en Russie de la société russe, quel qu’ait été d’ailleurs l’empressement à se conformer aux ordres de sa cour. Encore une fois, il faut regarder cet incident comme terminé ; la distinction des hommes qui sont chargés, dans ce moment, des affaires de la Russie à Paris, nous est un sûr garant que ces petites difficultés ont dû être promptement aplanies.

M. de Salvandy, ainsi que nous l’avions annoncé, a quitté l’Espagne sans avoir remis ses lettres de créance. Nous aurons à Madrid un chargé d’affaires. Il n’y aura aucune suspension dans les rapports politiques des deux pays. Les relations de cour seront seules interrompues. Le mal ne sera pas grand, et les rapports des deux pays n’en souffriront guère, si le régent parvient à contenir les partis dans les limites de la constitution, et à conserver intact le dépôt que la nation lui a confié. Dans ce cas, l’état normal de nos relations avec l’Espagne se trouvera promptement rétabli ; il existe entre les deux pays une alliance naturelle, des rapports nécessaires qu’aucun gouvernement régulier ne peut méconnaître. Que le régent soit à Madrid ce qu’il a été en Catalogne, nous nous plaisons à le rappeler, et les difficultés diplomatiques trouveront, un peu plus tôt, un peu plus tard, leur solution naturelle.

Il est bruit dans ce moment d’une modification dans le cabinet anglais. Sir Robert Peel et le duc de Wellington, à l’approche de la session, sont sans doute sérieusement occupés des deux grandes questions anglaises, la question des céréales et la question de l’Irlande. Leurs antécédens, les importantes réformes que l’Angleterre leur doit déjà, nous assurent que sur ces questions aussi ils auront à cœur d’arriver à des mesures conciliatrices, qui donnent aux intérêts lésés une satisfaction suffisante, sans jeter le pays dans les perturbations et les périls d’une transition trop brusque et en quelque sorte révolutionnaire. Mais cette juste mesure est difficile à trouver, plus difficile encore à faire accepter. Les adversaires du cabinet insisteront pour tout avoir, et une partie de ses amis ne voudra rien accorder. C’est une position analogue à celle où le gouvernement se trouve chez nous pour les négo-