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FRANÇOUNETTO.

sentimens éternels de l’humanité dans le cadre le plus original et le plus personnel possible. La plus large généralité du fond, la plus étroite propriété de la forme, voilà la vraie, la grande poésie, et un simple coiffeur d’Agen l’a trouvée, quand tant d’autres, qui se croient plus habiles, courent vainement après, tant il est vrai qu’elle ne se révèle qu’à ceux qu’il lui plaît de choisir.

Qu’il continue donc, comme il l’a fait dans sa Françounetto, à chercher ce double idéal qu’il a lui-même si bien défini ; qu’il continue, pour me servir de ses expressions, à peindre l’homme et la femme, c’est-à-dire le cœur humain dans ses types immuables ; mais qu’il continue aussi à les faire agir au milieu de ces mœurs franchement populaires qui l’entourent ; qu’il continue surtout à enrichir le patois par le patois lui-même, à pénétrer dans ses plus profonds secrets, à lui emprunter ses locutions les plus caractéristiques ; et, quel que soit le sort de son idiome, il aura ajouté un nom de plus à la liste des poètes. Par les poésies d’ouvriers qui courent et qui ne sont pour la plupart que des prétentions avortées, faute d’étude, de patience et de réelle inspiration, il est bon qu’un ouvrier montre quelque part ce que peut devenir un poète du peuple, quand le travail persévérant, qui seul fait les œuvres durables, vient s’unir chez lui à une sérieuse originalité.


Léonce de Lavergne.