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REVUE DES DEUX MONDES.

Mais que de vignes mal taillées,
Que de branches mal émondées,
Et que de sillons de travers !

Il est d’usage, parmi les paysans gascons, que le danseur qui a lassé sa danseuse lui donne un baiser. Tous les jeunes gens veulent danser avec Françounetto :

Mès fiiletto jamay n’ès lasso que quand bol.

Mais fillette jamais n’est lasse que quand elle veut.

et déjà Guillaume, Louis, Jean, Pierre, Paul, ont été mis hors d’haleine, sans avoir gagné le prix désiré. Enfin Marcel se présente, il coupe, comme on dit en Gascogne quand un danseur se substitue à un autre dans le rondeau. Marcel est un soldat, un favori de Montluc ; il aime la jeune fille comme les autres, et il compte que son uniforme, son grand sabre, la séduiront un peu. Tout le monde se presse pour voir s’il aura enfin le baiser. Hélas ! Françounette saute plus fort que jamais ; Marcel s’épuise en vain, il va tomber de fatigue, un jeune forgeron nommé Pascal s’élance alors, il coupe ; après quelques sauts, Françounette sourit, s’avoue vaincue ; elle avance la joue, et Pascal l’embrasse aux applaudissemens universels.

À cette vue qui montre que Pascal est le préféré, Marcel ne peut contenir sa fureur et sa jalousie. Il insulte Pascal, qui lui répond par des coups de poing, comme un véritable paysan qu’il est. Le soldat tire à demi son sabre, mais le forgeron est le plus fort. Quoique blessé à la main, Pascal saisit son rival et le terrasse. — Achève-le ! achève-le ! lui crient ses camarades ; mais Pascal est aussi généreux que brave, il épargne Marcel, qui se relève et se jette sur lui le sabre à la main. La lutte serait devenue mortelle, si Montluc lui-même, qui passait par hasard, n’était intervenu. Le vieux guerrier sépare les combattans avec l’autorité de son rang et de sa renommée. Marcel, blessé à la fois dans son orgueil et dans son amour, jure en lui-même que Françounette ne sera pas à d’autre que lui. Ainsi finit le premier chant, qui dessine très bien, comme on le voit, le sujet et les personnages, et où le drame à son début n’exige rien moins pour se dénouer que l’intervention de Montluc, le terrible héros gascon ; nec deus intersit nisi dignus vindice nodus.

Nous avons vu dans le premier chant les réjouissances du peuple des campagnes pendant l’été ; nous allons voir dans le second ses plaisirs de l’hiver. Le chant commence par cette peinture de la mauvaise saison :