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FRANÇOUNETTO.

que ce sentiment est général autour de lui. De tous ses ouvrages, le poème de Françounetto est celui où il a voulu être le plus complètement peuple, et c’est en même temps le plus noble et le plus châtié. Le Gascon s’est piqué au jeu, il a voulu faire à M. Dumon une seconde réponse plus frappante, plus décisive que la première, et il a réussi. Pour mon compte, je dois confesser qu’il m’a un peu ébranlé ; je n’aurais jamais cru qu’il y eût encore dans le patois tant de ressources. Le style de Françounetto n’est pas seulement un modèle d’harmonie, c’est encore un tour de force. Dans le langage comme dans les idées, tout souvenir du français a presque disparu ; on dirait par momens du patois écrit depuis un siècle.

Le poème commence par la dédicace à la ville de Toulouse.

Quand bezioy punteja l’aoubeto blanquignouso
D’aquel mès que fay espeli
La flou de poesio è del brot è del li,
Me disioy douçomen : o Toulouzo ! Toulouzo !
Que me trigo d’ana sur ta berdo pelouso,
Flouca de pimpouns d’or lou clot de Goudouli !
E pimpouns d’or en ma, taleou que jour besquéri,
Troubadour pèlerin de cats à tu m’abièri.


Quand je voyais poindre l’aube blanchissante
De ce mois qui fait épanouir
La fleur de poésie et du buisson et du lin,
Je me disais doucement : Ô Toulouse ! Toulouse !
Qu’il me tarde d’aller, sur ta verte pelouse,
Fleurir de boutons d’or le tombeau de Goudouli !
Et boutons d’or en main, dès que je vis jour,
Troubadour pèlerin, devers toi je m’en allai.

M’abièri, je m’en allai, je me fis sortir, expression empruntée, comme beaucoup d’autres du même poème, au langage des champs. On dit à la campagne : Abia lou bestial, faire sortir le bétail de l’étable ; de là s’abia, se faire sortir, s’en aller, s’arracher soi-même du lieu où l’on est pour aller ailleurs. Je cite cet exemple, j’en pourrais citer cent autres du même procédé.

On trouve dans la même dédicace :

Espoumpat d’esperenço,
Entrôqui lous cabels de ma recounechenso,
E te porti ma garbo
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