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FRANÇOUNETTO.

dans aucun de ces mots, elle n’est plus marquée et plus douce que dans ceux en o, quand ceux-ci appartiennent à la forme féminine, ou qu’ils sont une corruption de mots français terminés en e muet.

Ceci nous amène à parler des règles de la versification patoise. Ces règles sont identiquement les mêmes que celles de la versification française. Les vers assonans des Espagnols, les coupes nombreuses de vers italiens, n’y sont pas usités. Seulement, comme le patois n’a pas d’e muet, il obtient l’équivalent des vers féminins français par la désinence féminine en o muet dont je viens de parler, et en général par tous les mots qui ont l’accent sur la pénultième.

Après cette dissertation qui ressemble un peu, j’en conviens, à la leçon du maître de philosophie dans le Bourgeois gentilhomme, je passe à l’examen du nouveau volume de Jasmin : il en est temps.

Je trouve d’abord une espèce d’épître adressée par Jasmin à un riche agriculteur qui lui avait conseillé de s’établir à Paris, où il ferait nécessairement fortune. Ces sortes de pièces familières, dédaignées par nos grands poètes du jour, ont été de tout temps un des exercices favoris des muses. Horace n’en a pas fait d’autres toute sa vie. Les poètes français du XVIe siècle y excellaient, et dans le XVIIIe Voltaire y a jeté tout ce qu’il avait d’esprit, de bon sens et de gaieté. C’est aussi un des meilleurs genres, le meilleur peut-être de Jasmin. Les poètes en général sont un peu personnels ; ils aiment à parler d’eux-mêmes. Jasmin est de ceux qui se mettent en scène le plus volontiers, et il a raison. Son chef-d’œuvre est précisément la pièce où il a raconté toute sa vie, et qu’il a appelée mes souvenirs, Mous Soubenis. C’est qu’en effet il y a peu de personnalités plus originales, plus vivantes, plus poétiques, que celle de Jasmin. Son principal mérite est d’être lui-même. Son recueil n’est pas un assemblage de ces productions vagues qui peuvent appartenir au premier venu ; ce n’est quelque chose que parce que c’est quelqu’un.

E bous tabé, moussu, sans cregne
De troubla mous jours et mas neys,
M’escribès de pourta ma guitarro et moun pegne
Dins la grando bile des reys !


Et vous aussi, monsieur, sans craindre
De troubler mes jours et mes nuits,
M’écrivez de porter ma guitare et mon peigne
Dans la grande ville des rois !

Oui, sa guitare et son peigne, comme Figaro ; car Jasmin est resté