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FRANÇOUNETTO.

l’y grec pour ces diphthongues, et il écrit ay, ey, oy. Cette précaution n’était pas obligatoire, dès que les analogues se trouvaient dans les autres langues méridionales ; mais, puisque Jasmin l’a crue nécessaire pour la clarté, nous l’admettons. Il en est de même des diphthongues eu et au, qui se prononcent en patois à peu près comme eou et aou. Jasmin aurait pu les écrire eu et au, comme on les écrit dans les deux autres langues ; il a mieux aimé suivre la prononciation et écrire eou, aou. Ce n’est pas étymologique, ce serait une véritable énormité s’il s’agissait de fixer académiquement l’orthographe de la langue ; mais enfin, puisqu’il ne s’agit que de s’entendre, va pour eou, aou, quoiqu’en réalité ces deux manières d’écrire, qui ne représentent, pour un Parisien, qu’une sorte de miaulement, soient bien loin de rendre le véritable son de ces mélodieuses diphthongues qui ressemblent à un chant d’oiseau.

Il résulte de ce qui précède que, pour bien lire le patois méridional, il suffit de savoir un peu d’italien ou d’espagnol. Presque tout le monde maintenant sait au moins une de ces deux langues. C’est une raison pour se risquer avec moins d’inquiétude à parler de poésies patoises. Si la prononciation des lettres est à peu près la même dans ces trois idiomes, l’accentuation des mots est la même aussi. En français, il n’y a pas d’accent proprement dit ; celui qui ne sait que le français ne peut comprendre quelle musique fait entendre à l’oreille le chant naturel des langues du midi. Là toutes les syllabes sont tour à tour brèves ou longues, et l’accent tonique, placé tantôt à la fin des mots, tantôt au milieu, donne une variété charmante à cette harmonie. Là, toutes les voyelles sont expressives, tous les chocs de consonnes sont évités, tous les sons sourds ou nasaux ont disparu, et le patois est peut-être, de toutes les langues méridionales, la plus agréable à entendre, car il n’a pas ces finales aiguës, ces i répétés qui ôtent à l’italien une partie de son charme ; il n’a pas non plus, du moins à Agen, ces s fortes, ces j aspirés, qui ajoutent à l’espagnol quelque chose de dur et d’énergique.

J’insiste sur ces questions de prononciation et de prosodie, parce que c’est par là surtout que le patois diffère maintenant du français. Quant au vocabulaire, il est, hélas ! devenu presque entièrement français. Bien peu de mots sont encore d’origine locale ; il y en a pourtant, et des plus curieux. Les uns remontent jusqu’au grec, et ont été importés en Provence par les Hellènes de Massilie ; les autres dérivent directement du latin, et restent comme autant de débris de la domination romaine dans les Aquitaines ; quelques-uns