Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
REVUE DES DEUX MONDES.

causes historiques, philosophiques et physiologiques de ces différences, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit pour le moment.

Comme depuis long-temps le patois a cessé d’être une langue écrite, il n’a pas une orthographe à lui. Ceux qui ont essayé de l’écrire ont adopté des systèmes différens. Celui que Jasmin emploie me paraît bon ; je dois dire cependant que ce système ne convient qu’au dialecte particulier des bords de la Garonne, car s’il s’agissait de rendre, par exemple, la langue des montagnes, il serait insuffisant. Les dialectes pyrénéens sont pleins d’aspirations qui manquent au patois d’Agen ; on y trouve dans toute sa pureté le j espagnol, et, pour l’écrire, il serait nécessaire d’adopter cette lettre. Sur d’autres points, d’autres prononciations particulières exigeraient aussi l’emploi de certains signes distinctifs. Mais il n’en est pas ainsi du patois d’Agen ; les seules consonnes qui diffèrent un peu, dans ce patois, de la prononciation française, sont le c italien, qui se prononce tch, comme on sait, et que Jasmin écrit ch, et l’l mouillée, que Jasmin écrit par un double l, comme les Espagnols.

J’ai cependant une observation à faire sur l’orthographe de Jasmin relativement aux consonnes. C’est pour la manière singulière dont il écrit le son, fort commun en français, de qu ; il écrit, je ne sais pourquoi, kh Le mot baqui, par exemple, il l’écrit bakhi. Qu’on orthographie ainsi certains mots turcs ou arabes qui ont une aspiration après le son k ou qu, rien de mieux ; mais en patois il n’y a pas, que je sache, d’aspiration au milieu du mot baqui et des mots qui lui ressemblent. Voilà pour le h. Quant au k, il a une figure barbare qui ne convient nullement à une des langues les plus douces qu’il y ait au monde ; une telle orthographe est en contradiction évidente avec le génie même du patois, qui est fils du latin, où il n’y avait pas de k. Jasmin aura cru sans doute que, dans toutes les langues méridionales, qui se prononçait coui. C’est une erreur : ce genre de prononciation n’est usité qu’en italien ; en espagnol, qui, que, se prononcent comme en français ki, ke, et cette analogie suffit à justifier l’emploi de qu en patois pour rendre le même son qu’en français. Tout vaut mieux, d’ailleurs, que d’en venir à cette horrible extrémité du k, et accompagné d’un h encore !

Passons aux voyelles. Les voyelles aussi ont en patois le même son qu’en français, même l’u ; il n’y a de différence que pour l’e, qui n’est jamais muet et qui se prononce toujours é. Les diphthongues sont différentes. Ai se prononce en patois comme en italien et en espagnol, aïe ; ei se prononce eïe ; oi se prononce oïe. Jasmin a adopté