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n’a plus de repos ; il est maudit, il ferme toutes ses portes, il n’ose pas voir le soleil, il ne mange ni dort. Si, par malheur, il entendait une des paroles prononcées contre lui par l’offensé, sa situation deviendrait pire ; aussi ne manque-t-il jamais de se retirer dans ses appartemens les plus secrets.

« Les diamans du Boundelkound, dit un écrivain que j’ai cité, diamans que l’on pêche dans les eaux du Gange, près du confluent de ce fleuve et de la Djemna, sont mêlés au sable que l’on extrait du lit de la rivière, et que l’on vanne pour en séparer les pierres précieuses qui s’y trouvent confondues. Ceux qui exploitent cette industrie ont quelquefois de très bonnes chances ; un officier anglais n’ayant passé que huit ou neuf jours dans cette localité, et ayant loué la pêche des diamans pour cet espace de temps, rapportait dans ses quartiers qu’il allait regagner une quarantaine de pierres magnifiques, lorsque, traversant une forêt, il aperçut sous un arbre un Hindou, la tête couverte de cendres, accroupi et presque nu. C’était un homme qui faisait le dhournâ. L’officier, en s’approchant, reconnut un de ses anciens domestiques, homme intelligent et honnête, et lui demanda ce qu’il faisait là : — Je fais le dhournâ, répondit-il. Malédiction sur la tête de celui qui m’y force ! J’étais employé par le rajah de mon district à recueillir des diamans, et la loi m’accordait une somme assez considérable pour avoir découvert un diamant d’une valeur et d’un poids très importans. C’eût été ma fortune : le rajah me l’a refusée. — Venez avec moi, j’essaierai de vous faire rendre justice, mais je ne puis vous promettre que j’y réussirai. Le pauvre garçon, ranimé par l’espérance que faisait briller à ses yeux le bon vouloir de son ancien maître, et plaçant d’ailleurs une confiance implicite dans les sollicitations du bellaty-sahib, accompagna l’officier anglais, qui finit par obtenir à grand’peine de l’avarice du rajah la somme de cinq mille roupies[1], somme inférieure à celle que la loi concédait au tchouprassie, mais qui était pour lui un trésor inappréciable et inespéré. Le pauvre homme, dit la narratrice, se montra reconnaissant comme la plupart des gens de sa nation. Le lendemain matin, avant le point du jour, il se tenait debout devant la tente de l’officier, vêtu de sa plus belle robe de mousseline, contre laquelle il avait échangé ses haillons. Quand l’officier parut, il se prosterna plusieurs fois et l’arrêta pour lui faire un long discours oriental dans

  1. La roupie d’argent vaut un peu plus d’un shelling.