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pièces pour assigner, je ne dis pas le rang du poète, mais la qualité et la portée de l’inspiration, et ce qui s’appelle la région d’un esprit.

Ce que je préfère pourtant dans le volume, ce que j’y ai cherché, d’abord avec une curiosité pleine d’intérêt, c’est ce qui touche à la femme et à ses propres émotions, aux tristesses voilées, si distinctes de tant d’autres aujourd’hui qui s’affectent et vont s’affichant. Dans la pièce à Mimi, comme dans celle à Charles Hugo, respire une touchante sollicitude et comme un instinct maternel. Faut-il dire à cet enfant qui joue, quelque chose de cet avenir qu’on sait pour lui et qu’il ignore ? Gray, dans son ode du Collége d’Éton, se le demandait ; Mlle Bertin se le demande également :

Chère enfant, tu n’as plus ton aile !
Du sort, s’il faut fuir le courroux,
Tu peux, hélas ! malgré mon zèle,
En tombant meurtrir tes genoux !
Ton sourire raconte encore :
Bientôt il interrogera.
Ne peut-on cacher à l’aurore
La nuit qui la dévorera ?

Je ne fais qu’indiquer dans cet ordre intime, et à des degrés différens, les Rayons, Tentation, Fragilité. Après ces variations du jour, après ces orages, la dernière pièce, intitulée Nuit, ramène un peu ce que M. Hugo a qualifié le sourire triste, ineffable et calmant ; la fin en est très belle, très idéale, et offre un mélange de résignation contristée et qui tout d’un coup s’éclaire d’une image antique :

Ô Nuit ! dans ce beau lieu paré
De tes plus charmantes étoiles,
Cache mon ame ; elle a pleuré ;
Couvre-la bien de tes longs voiles !

Et toi, morne Tranquillité,
Sans douleur, mais aussi sans charme,
Pose sur ce cœur agité
Ta main qui sèche toute larme !

Écarte d’un front déjà las
La pensée aux ardentes ailes,
Qu’éveillent du bruit de leurs pas
Les Muses qui dansent entre elles !

Je n’ai rien dit encore des pièces purement d’art et tout-à-fait désintéressées. Il en est plusieurs remarquables. Je veux moins parler