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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

nement de causes et d’effets dont la trame compose l’existence des sociétés. En possession d’un genre séduisant, mais d’autant plus dangereux qu’il semble autoriser l’intempérance de l’imagination et le lyrisme du style, le jeune professeur se crut destiné sans doute à planer sur le champ de l’histoire : on a de ces extases à trente ans ; mais ce qu’on ne saurait avoir à cet âge, c’est la variété de connaissances, la fermeté de jugement qui seraient nécessaires pour interpréter la loi providentielle de l’humanité, en supposant qu’il fût permis à la faible humanité de découvrir cette loi. À défaut d’une philosophie historique qui lui fût propre, M. Michelet en acquit une d’emprunt : il se passionna pour Vico, et s’appropria les théories du savant italien en les vulgarisant parmi nous.

Les Principes de la Philosophie de l’histoire, traduction abrégée de la Scienza nuova, parurent en 1827, et furent reproduits en 1835 avec d’autres opuscules traduits ou analysés, de manière à nous faire apprécier l’œuvre complète de l’ingénieux Napolitain. Cette publication méritait le bienveillant accueil qu’elle a obtenu. Quel que soit le jugement qu’on porte sur le système de Vico, on ne peut méconnaître en lui les nobles caractères du génie. Jusque dans ses moindres écrits, dans sa correspondance, on sent l’homme parfaitement maître de la pensée qu’il veut produire, indice infaillible de supériorité. Sa Biographie, écrite par lui-même avec un charme de naïveté que l’habile traducteur a conservé, nous fait suivre avec un respectueux intérêt, le développement d’une belle intelligence. Dans la Science nouvelle, il y a un luxe de savoir, un rayonnement d’idées dont le premier effet est une sorte d’éblouissement. Il faut surtout remercier Vico d’avoir un des premiers signalé les applications possibles de la philologie à l’histoire, et d’avoir fait jaillir un nouvel ordre de démonstrations de l’analyse des mots et de la comparaison des idiomes. Mais, après avoir énuméré les titres incontestables de Vico, qu’il nous soit permis d’énoncer un grief que nous avons contre lui. Nous avons à lui reprocher le tort qu’il a fait à M. Michelet.

La doctrine historique qui ressort de la Scienza nuova est généralement connue. On sait que, pour Vico, les sociétés humaines obéissent dans leur développement à une loi fatale et régulière, comme celle qui détermine chez l’homme pris isolément les phases diverses de la vie. Dans cette hypothèse, chaque société porte en elle un principe de vitalité qui lui est propre, de sorte qu’elle grandit par ses propres forces et indépendamment des autres civilisations. L’instinct de la sociabilité fait sortir les hommes de la sauvagerie, et commence leur